“La détention de Raif Badawi est une insulte à l’intelligence et à la liberté”
Lors d’une conférence de presse organisée le 28 mai 2015 à Paris par Reporters sans frontières (RSF) et Amnesty International, la femme du blogueur Raif Badawi a exhorté les autorités saoudiennes à libérer son mari. Créateur d’un site internet, ce dernier a été condamné en 2014 à 10 ans de prison et 1 000 coups de fouet pour “insulte à l’islam”.
Epouse du blogueur saoudien Raif Badawi, Ensaf Haidar a rappelé que son mari était injustement détenu et qu’elle continuerait à se battre pour obtenir sa libération, lors d’une conférence de presse organisée le 28 mai 2015 à Paris par Reporters sans frontières (RSF) et Amnesty International. Actuellement domiciliée avec ses trois enfants au Canada, Ensaf Haidar effectue une tournée en Europe afin de mener une campagne auprès du grand public et recevoir le soutien d’officiels européens.
“Mon mari n’a jamais pensé à mal, il a tout simplement parlé librement et différemment. Aujourd’hui, il est en prison, condamné injustement, déclare Ensaf Haidar. A quelques jours du début du ramadan, une lucarne d’espoir s’ouvre car durant cette période, le roi a coutume de gracier des prisonniers d’opinion. Pour ma part, je continue à faire campagne, demandant aux gouvernements que je rencontre d’entrer en contact avec leurs homologues saoudiens pour parler de Raif. Ma démarche n’est pas de faire pression sur Riyad, mais de communiquer sur un cas humanitaire, celui de mon mari qui a toujours prôné la paix et la liberté, et qui aujourd’hui manque cruellement à sa famille.”
Condamné à dix ans de prison, 1 000 coups de fouet et une amende d’un million de rials saoudiens (environ 200 000 euros) pour “insulte à l’islam”, le fondateur du site désormais interdit Liberal Saudi Network, et lauréat du prix RSF 2014 dans la catégorie net-citoyen, a subi les premiers coups de ce châtiment barbare en janvier 2015. Les séances suivantes ont été reportées officiellement pour des raisons médicales. Selon sa femme, Raif Badawi risque d’être rejugé par la Cour suprême pour “apostasie”, un crime passible de la peine de mort dans le royaume.
“Raif Badawi incarne la liberté d’esprit et l’esprit de liberté, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Sa détention est une insulte à l’intelligence et à la liberté. Nous demandons l’interruption définitive des coups de fouet et l’annulation pure et simple de sa condamnation et appelons la France, et tous les pays soucieux de la question des droits de l’homme, à réagir officiellement contre cette peine inique et à demander aux autorités saoudiennes la libération du jeune blogueur.
Dans une pétition qui a recueilli près de 46 000 signatures depuis décembre 2014, RSF a exhorté les autorités à gracier le blogueur. Lors d’une initiative conjointe avec ses sections internationales et bureaux à l’étranger, l’organisation a également écrit à plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement, tels que Barak Obama, Francois Hollande et Mariano Rajoy afin qu’ils oeuvrent respectivement à la libération du jeune blogueur.
Le royaume saoudien ne tolère aucun média libre et la répression en ligne n’a fait que s’accroître depuis les printemps arabes en 2011. L’information sur le Web est contrôlée de près par le régime qui n’hésite pas à user des arguments sécuritaires pour emprisonner des net-citoyens en se référant notamment à la loi particulièrement liberticide sur la cybercriminalité. Deux journalistes et six net-citoyens sont actuellement derrière les barreaux dans le pays pour avoir questionné ou publié des informations jugées critiques et nuisibles à la sûreté et à la réputation de l’Etat. Certains subissent de mauvais traitements, voire sont torturés. C’est le cas de Waleed Abu Al-Khair, l’avocat de Raif Badawi et fondateur de l’Observatoire saoudien des droits humains condamné en juillet 2014 à 15 ans de prison pour son travail d’information. Wajdi Al-Ghazzawi, propriétaire d’Al-Fajr TV et présentateur de l’émission “Al-Fadfada”, a lui été condamné à 12 ans de prison en février 2014, en plus d’une interdiction d’apparaître dans les médias et de quitter le territoire pendant 20 ans une fois sa peine purgée, pour avoir dénoncé lors d’une émission les liens du royaume avec le terrorisme, notamment Al-Qaïda.
L’Arabie saoudite occupe la 164ème place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse en 2015 et le pays est listé Ennemis d’Internet.