L’investiture de Desi Bouterse ne doit pas signifier l'impunité pour ses crimes d'autrefois contre la presse

Elu le 19 juillet 2010 à la présidence de la République du Surinam, Desi Bouterse prendra officiellement ses fonctions ce 12 août. Si nous respectons l’expression de la volonté générale des Surinamiens, nous n’oublions pas non plus que le nouveau président reste inculpé de l’assassinat de cinq journalistes commis sous sa dictature en 1982. A supposer que la charge présidentielle suspende provisoirement la procédure engagée contre lui, elle ne doit pas lui valoir l’impunité dans cette affaire. Revenu aujourd’hui à la tête de l’État par les urnes, Desi Bouterse, militaire de carrière, est arrivé la première fois au pouvoir par un coup d’État, le 25 février 1980. Il a ensuite dirigé le pays d’une main de fer à deux reprises (1980-1987, 1990-1991), bafouant sans retenue les libertés fondamentales et les droits de l’homme. Dans la nuit du 8 décembre 1982, cinq journalistes, parmi quinze opposants qui militaient pour le rétablissement de la démocratie, avaient été exécutés sous sa responsabilité présumée à la caserne de Fort Zeelandia. Il s’agissait d’Andre Kamperveen, propriétaire et directeur de la station Radio ABC, de Frank Wijngaarde, reporter du même média, ainsi que les journalistes de presse écrite Leslie Rahman, Bram Behr et Jozef Slagveer. Après cette tuerie, les militaires avaient incendié les locaux de Radio ABC, Radio Radika et du quotidien De Vrije Stem. Sous le régime de Desi Bouterse, aucun média n’était autorisé à publier ou émettre hormis la station de radio d’État SRS et le quotidien De Ware Tijd. Condamné par contumace à onze ans de prison au Pays-Bas pour trafic de drogue en 1999, Desi Bouterse encourt toujours dans son pays une peine de vingt ans pour le massacre de Fort Zeelandia. Vingt-cinq personnes au total sont concernées par la procédure dont l’ancien Premier ministre Errol Alibux et l’ancien commandant en chef de l’armée Arty Gorre. S’il dit avoir présenté des excuses aux familles des victimes et reconnu sa responsabilité politique dans la tragédie de Fort Zeelandia, Desi Bouterse n’a jamais admis son implication directe dans les crimes alors commis. Il a plusieurs fois tenté d’obtenir du parlement une loi d’amnistie lorsqu’il était, jusqu’à son élection, leader du principal parti d’opposition. A l’image des pays d’Amérique du Sud voisins, dont les actuels gouvernements ont fourni des efforts importants en faveur du travail de mémoire collective, la nouvelle administration du Surinam doit comprendre que le passé ne se résout pas avec une élection. Encore moins avec une amnistie. Rang du milieu, de gauche à droite : Leslie Rahman, Frank Wijngaarde, Bram Behr, Jozef Slagveer et Andre Kamperveen.
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Updated on 20.01.2016