Kurdistan irakien : une vague d’arrestations de journalistes couvrant des manifestations
Ces cinq derniers jours, au moins dix journalistes ont été interpellés alors qu’ils couvraient des manifestations pacifiques dans la région autonome du Kurdistan irakien, l’un d’eux a été placé en détention. La chaîne NRT TV a également été de nouveau interdite de diffusion. Reporters sans frontières (RSF) condamne ces multiples entraves à la liberté de la presse et appelle à la libération immédiate des prisonniers.
Couvrir les manifestations anti-pouvoir est de plus en plus difficile au Kurdistan irakien. Comme en témoigne l’arrestation du journaliste du site d’informations Bazianpress, Harem Majed, le 9 décembre dans la ville de Bazian, dans la province de Souleymanieh (nord), alors qu’il couvrait des manifestations pacifiques contre le taux de chômage élevé et la corruption des partis politiques kurdes.
Deux jours plus tard, ce sont les journalistes Karzan Tariq et Goran Mohammed travaillant respectivement pour les chaînes satellitaires NRT TV et Payam TV ainsi que le journaliste et le caméraman d’Al-Iraquia TV, Amin Ahmed et Sirwan Barzan, qui ont été arrêtés par les forces de sécurité kurdes dans la ville de Souleymanieh, où ils couvraient des manifestations, avant d’être libérés 24 heures plus tard.
Le lendemain, Mohammed Mahmod a été arrêté alors qu’il couvrait les manifestations à Kalar, dans la province de Souleymanieh, pour Radio Deng puis placé en détention et menacé de représailles s’il ne mettait pas un terme à son travail journalistique.
A la suite de la publication de deux articles sur les récentes manifestations, le journaliste de la chaîne de télévision Rojnews, Zosk Ballak, a été lui aussi arrêté le 12 décembre à Choman, dans la province kurde d’Erbil et est maintenu en détention depuis.
Un autre journaliste a lui été agressé dans le nord-est de la province de Souleymanieh, dans la ville de Ranya : Bakhtyar Kader, correspondant de la chaîne Rudaw TV, couvrait une manifestation le 11 décembre initiée par des jeunes irakiens et a été agressé par un membre de l’unité des forces kurdes, les Peshmerga, déployée pour surveiller la zone.
C’est par ailleurs en interrogeant des passants sur leur situation et difficultés économiques dans le contexte actuel à Souleymanieh que trois journalistes de la chaîne de télévision Kurdistan24, Dalia Kamal, Hardy Hassan et Barham Jamal, ont également été interpellés le 13 décembre dernier.
“Arrêter les journalistes ne permettra pas aux revendications économiques de ne plus s’exprimer dans la région, déclare Sabrina Bennoui, responsable du bureau Moyen-Orient de RSF. Il est au contraire essentiel de permettre à la population d’accéder à l’ensemble des informations qui les concernent en premier lieu. Les forces de sécurité kurdes doivent cesser d’entraver le travail des journalistes et libérer immédiatement les journalistes encore en détention.”
Parallèlement et pour la troisième fois en quelques mois, les autorités ont décidé le 7 décembre, après que les forces de sécurité se soient introduites dans les locaux à Souleymanieh et aient saccagé les équipements, d'interdire la diffusion pour une durée d’une semaine de la chaîne NRT, dont le fondateur, Shaswar Abdulwahid est par ailleurs le fondateur du parti contestataire, le New Generation Movement, en janvier 2018. Les chaînes de télévision Payam TV, Speda TV et Rudaw TV ont elles aussi été la cible de menaces visant à les dissuader de continuer à couvrir et diffuser les manifestations.
Les protestations contre le gouvernement régional kurde et les principaux partis de cette région autonome du nord de l'Irak, qui ont éclaté début décembre à travers la province de Souleymanieh, ont été émaillées de violences et réprimées par la police anti-émeute. En août déjà, plusieurs journalistes avaient été interpellés par les autorités kurdes irakiennes alors qu’ils couvraient un vaste mouvement de protestations dans la région.
L’Irak occupe la 162e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.