Kurdistan irakien : RSF appelle à la libération des journalistes d’investigation Bashdar Bazyani et Sherwan Sherwani

Enfermés pour avoir enquêté. C’est le sort de deux journalistes du territoire autonome du Kurdistan irakien. L’un, derrière les barreaux depuis cinq ans, aurait dû recouvrer la liberté depuis le 9 mars. L’autre est détenu depuis fin février sans charges officielles. Reporters sans frontières (RSF) appelle le gouvernement de la région autonome kurde en Irak à libérer sans délai Bashdar Bazyani et Sherwan Sherwani, enfermés pour des motifs fallacieux.

Fondateur du mensuel Bashur Magazine et journaliste indépendant réputé dans la région de Bahdinan, fief du Parti démocratique kurde (PDK) et de la puissante famille Barzani, Sherwan Sherwani enquêtait sur la corruption présumée des dirigeants du Kurdistan irakien quand il est arrêté et condamné en 2020 pour “espionnage” à une peine de six ans de prison, réduite à trois. À l’issue de sa peine en 2023, il est de nouveau condamné à quatre ans de prison. Cette peine ayant été réduite à deux ans de prison, il aurait dû être libéré le 9 mars dernier. Son maintien en prison, au-delà même de cette sanction qualifiée de “cruelle et vindicative” par RSF, serait dû à des d’obstacles administratifs entravant la décision du juge, selon son avocat.

Quant au journaliste Bashdar Bazyani, il a été arrêté, le 28 février dernier, par les forces de l’ordre du gouvernement kurde à son domicile à Souleimaniye, dans le nord de la région autonome d’Irak, dix jours après qu’il ait lancé le média d'investigation en ligne Media 21. Ses collègues Dana SalihSardasht Hama Salih, et Nabaz Sheikhani ont été arrêtés le lendemain – avant d’être libérés sous caution 48 heures plus tard, et le bureau de Media a été fermé sous prétexte d’opérer “sans licence”. Selon un porte-parole du Syndicat du journalisme de Souleimaniye, Bashdar Bazyani serait détenu en vertu de l'article 433 du Code pénal irakien, accusé donc de “publication de fausses informations” et de “diffamation”. Aucune charge officielle n’a été communiquée. 

“Bashdar Bazyani et Sherwan Sherwani, arrêtés à cinq ans d’intervalle, sont la preuve vivante de l'étouffement systématique du journalisme d'investigation au Kurdistan irakien. Leur détention restreint le droit du public à être informé sur des sujets essentiels et ils doivent être libérés immédiatement. Nous demandons aussi au gouvernement kurde d’annuler les charges qui pèsent contre les journalistes de Media 21 soient abandonnées et de permettre au média de travailler librement.” 

Jonathan Dagher
Responsable du bureau Moyen-Orient de RSF

Un climat d’intimidation

Sherwan Sherwani avait déjà été soumis à des pressions en lien avec ses enquêtes sur des affaires de corruption et sur les cas de journalistes et écrivains kurdes assassinés au Kurdistan depuis 1991. Il a été arrêté une première fois en 2012 puis détenu pendant six jours à la suite de la publication en 2011 d’un article dans Bashur Magazine révélant une affaire de corruption impliquant un officiel de la municipalité de Duhok. Quelques mois après sa libération, il a été poursuivi pour diffamation par un proche du clan Barzani. Enfin en 2019, il a été interpellé pour sa couverture d’une manifestation à la frontière turque. 

Bashdar Bazyani est également connu pour ses enquêtes sur des affaires de corruption. Dans sa dernière publication sur Facebook, le 23 février, il avait révélé détenir des informations relatives à de la pollution industrielle émanant d’une cimenterie et aurait reçu des menaces de poursuites judiciaires de la part de l'un des propriétaires de la cimenterie, selon les informations recueillies par RSF. Son arrestation pourrait aussi être liée à une interview non publiée d’un membre de la famille d'un fonctionnaire du gouvernement kurde, selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). Bashdar Bazyani avait déjà été détenu le 5 février pendant 12 heures au poste de police de Sardinar pour des charges qu’il dit ignorer à ce jour. À sa libération, il a déclaré avoir été malmené et avoir eu les mains et les pieds menottés tout au long de sa détention.

Deux autres reporters – le photojournaliste indépendant Qahraman Shukri et le journaliste indépendant Omed Baroshki – sont également détenus en raison de leur travail au Kurdistan irakien.

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