Kurdistan irakien : déchaînement de violence contre les journalistes lors des manifestations

Alors qu’ils couvraient des manifestations antigouvernementales dans plusieurs villes de la région autonome du Kurdistan irakien, au moins 60  journalistes ont été ciblés par les forces de l’ordre. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une intolérance manifeste contre les médias d’opposition. 

 

 

Ce déferlement de brutalité contre les journalistes et les médias d’opposition est inacceptable, déclare le bureau Moyen-Orient de RSF. Il démontre l’intolérance dont les autorités font preuve vis-à-vis du pluralisme politique qui doit se refléter dans le paysage médiatique et leur volonté d’étouffer une contestation populaire qui dérange.

 

Samedi 6 août, des manifestations se sont tenues dans les principales villes du Kurdistan irakien, à l’appel de Shaswar Abdalwahid, chef du parti Nouvelle génération, pour dénoncer “corruption, pauvreté, chômage” et réclamer la tenue d’élections. Le mouvement se veut une alternative aux deux partis au pouvoir dans la région, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK). Ces rassemblements ont été violemment réprimés par les forces de l’ordre, y compris les journalistes présents sur place pour les couvrir. Au total, selon l’ONG de défense des droits des journalistes au Kurdistan irakien Metro Center, jointe par RSF, 78 violations ont été recensées contre 60 reporters : au moins 26 ont été interpellés, 4 perquisitionnés, 16 interdits de couvrir la manifestation, 8 visés par des tirs de bombe lacrymogène, et 23 ont vu leur matériel confisqué. Par ailleurs, le bureau du site d’information Rast Media a été fermé le jour de son lancement. “Cela fait environ un mois que notre équipe entreprend toutes les démarches juridiques pour lancer notre média. Nous avions fixé la date du 6 août 2022 pour le début de nos activités de presse, explique son fondateur, Omed Baroshki. “Ce matin-là, des membres des forces de sécurité ont fait irruption, nous ont empêchés de poursuivre nos activités journalistiques avant de fermer notre bureau.” Pour mémoire, Omed Baroshki avait été emprisonné d’août 2020 à février 2022 pour “mise en danger de la sécurité nationale”.

 

Contacté par RSF, Sirwan Gharib, le rédacteur en chef du site indépendant d’information Westga News, raconte sa détention de plusieurs heures avec quatre de ses collègues à Souleymanieh : “Juste après notre arrivée pour couvrir les manifestations, un drone appartenant aux Asayish (services de sécurité, ndlr) nous a filmés de très près pour nous intimider. Plus tard, poursuit-il, nous avons tous été emmenés dans un bus barricadé au centre de sécurité des Asayish. Ils ont confisqué nos téléphones portables. Ils nous ont traités comme si nous étions coupables alors que couvrir l'actualité est un droit fondamental et non un crime”. 

 

Selon Rahman Gharib, directeur du Metro Center, les dirigeants kurdes “continuent de voir l’opposition politique et leurs médias avec hostilité” Et d’ajouter : “Ils prétendent être une démocratie mais, quand le désaccord politique s’intensifie entre eux et l’opposition et que celle-ci ne trouve d’autre refuge que la rue, leurs médias se retrouvent derrière les barreaux”.  

 

Sur 26 interpellations, au moins 10 concernent à elles seules des journalistes de la chaîne de télévision NRT, dont Shaswar Abdalwahid est le propriétaire. 

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