Journalistes en danger dans les Territoires occupés

Après la mort du photographe italien Raffaele Ciriello, RSF dénonce une nouvelle fois les multiples atteintes à la liberté de la presse dans les Territoires occupés.

Ce que Reporters sans frontières redoutait depuis des mois est malheureusement arrivé, le 13 mars 2002, dans les Territoires occupés : un journaliste est mort, atteint de six balles tirées depuis un char israélien. Raffaele Ciriello, photographe italien indépendant, avait couvert, depuis plus de dix ans, de nombreux conflits dans le monde (Liban, Afghanistan, Rwanda, Kosovo, etc.). Il est le premier journaliste étranger tué depuis la seconde Intifada. Envoyé spécial du quotidien italien Corriere della Sera à Ramallah, Raffaele Ciriello a été atteint par balles le 13 mars au matin alors qu'il couvrait une incursion de l'armée israélienne à Ramallah. Selon plusieurs témoins, les tirs provenaient de soldats israéliens postés sur un char situé près de la place Al Manara, au centre-ville. Accompagné d'Amedeo Ricucci, journaliste de la chaîne de télévision italienne Rai Uno, il se trouvait dans une ruelle donnant sur la rue principale, à environ 50 mètres, derrière un groupe de Palestiniens armés, lorsque l'équipage d'un char israélien situé à 150 mètres d'eux a soudain ouvert le feu. Les ambulances étant bloquées par des tirs intenses, le journaliste a été évacué par de jeunes Palestiniens vers l'hôpital "Arab Care" où il est décédé avant que l'on ait pu l'opérer. Selon des sources hospitalières, il avait été touché à la poitrine, à l'estomac, aux intestins et aux reins. Par ailleurs, ces derniers jours, lors de l'occupation quasi totale de Ramallah par l'armée israélienne, Reporters sans frontières a recensé de nombreux actes d'intimidation commis par l'armée israélienne à l'égard des journalistes : Le 12 mars, une trentaine de journalistes se trouvaient sur le balcon d'un hôtel surplombant le camp de réfugiés d'Al Amari (Ramallah), lorsqu'un char a ouvert le feu sur eux. Les journalistes ont dû alors se réfugier dans les couloirs de l'hôtel pour se mettre à l'abri. Le porte-parole de l'armée israélienne aurait déclaré par téléphone à un des journalistes sur place qu'il s'excusait et que l'armée les avait pris pour des tireurs palestiniens, confondant leurs caméras avec des armes. Le même jour, toujours à Ramallah, des soldats israéliens ont également tiré en direction d'un véhicule bien identifié "presse" à bord duquel se trouvait un journaliste français. Selon ce dernier, les tirs se sont produits alors que rien ne menaçait les soldats qui ne se sont laissé aucun temps d'observation. Le 13 mars, à deux reprises, l'équipe du bureau de Ramallah d'El Jazira a fait l'objet de tirs d'intimidation de la part de soldats israéliens. Le matin, alors qu'un cameraman filmait depuis le toit de l'immeuble (dans lequel se trouve les bureaux) le camp de réfugiés de Kadoura, des soldats israéliens ont tiré dans sa direction. Dans l'après-midi, alors qu'un des journalistes de la chaîne venait de finir un "direct" depuis le studio, les bureaux de la chaîne ont été l'objet de tirs en provenance, selon Walid al-Omary, le chef du bureau, de positions israéliennes. Le même jour, Hubert Picard, un photographe indépendant français, a été blessé à la jambe droite sur la place Al Manara, à Ramallah. Le journaliste a indiqué ne pas savoir s'il avait été blessé par un éclat d'obus ou par balle. Tarek Abdeljaber, journaliste égyptien de la télévision égyptienne, a été également blessé sur la même place par deux balles qui ont transpercé son gilet pare-balles. Suite à la mort de Raffaele Ciriello, Reporters sans frontières a demandé l'ouverture immédiate d'une enquête afin d'établir les circonstances exactes de la mort du journaliste et, si nécessaire, de faire passer en jugement les auteurs des tirs. Ce n'est pas la première fois que l'organisation adresse ce genre de requêtes aux autorités israéliennes. Au terme d'une enquête menée sur le terrain durant l'été 2001, l'organisation avait rendu public un rapport dans lequel étaient recensés quarante-cinq cas de journalistes blessés par balles depuis le début de la seconde Intifada. Dans ce rapport, l'organisation avait notamment pressé les autorités de diligenter des enquêtes approfondies sur ces cas. En décembre 2001, soit plus d'un an après les premiers cas de blessures, le ministère de la Défense rendait publics les résultats des enquêtes. Un cas sur six seulement avait été étudié au terme d'enquêtes superficielles et peu sérieuses, et presque systématiquement, il avait été conclu qu'il n'y avait pas lieu de prendre des sanctions contre les soldats israéliens mis en cause. Que vaut donc l'affirmation selon laquelle la presse est libre de travailler dans les Territoires occupés si les forces israéliennes ont le sentiment de pouvoir employer leurs armes contre des journalistes sans craindre d'avoir à rendre des comptes? Cette impunité ne pouvait que conduire au drame qui s'est déroulé le 13 mars. Aujourd'hui, Reporters sans frontières lance un appel aux autorités israéliennes pour que toute la lumière soit faite sur les conditions de la mort de Raffaele Ciriello, comme sur tous les cas de journalistes blessés. Il faut que cesse l'impunité dont bénéficient les forces de sécurité israéliennes. Reporters sans frontières condamne par ailleurs différentes mesures prises par les autorités israéliennes à l'égard des médias, mesures qui participent de la détérioration de la situation de la liberté de la presse ces derniers mois : non-renouvellement des cartes de presse des journalistes palestiniens travaillant pour la presse internationale dans les Territoires occupés, interdiction pour les journalistes de couvrir certaines incursions de l'armée israélienne dans les zones sous autorité palestinienne, destruction du bâtiment de la radio-télévision palestinienne La Voix de la Palestine à Ramallah. Les trois lettres de Reporters sans frontières adressées aux autorités israéliennes depuis septembre 2001, le rapport "Etude sur 45 cas de journalistes blessés par balles dans les Territoires occupés depuis le 29 septembre 2001" de Reporters sans frontières d' août 2001, la liste des atteintes à la liberté de la presse dans les Territoires occupés de juillet 2001 à mars 2002 ainsi que les résultats des enquêtes menées par les autorités israéliennes peuvent vous être adressés en appelant le 01 44 83 84 84.
Publié le
Updated on 20.01.2016