Journalistes constamment menacés en Egypte

Alors que l’Egypte se félicite de l’élection d’un de ses diplomates au Comité des droits de l’homme, Reporters sans frontièrs (RSF) rappelle un bilan catastrophique pour les médias et les journalistes travaillant dans le pays.

“Ce pays est devenu expert dans la chasse aux journalistes, qui sont condamnés à de longues peines lorsqu’ils ne sont pas condamnés à la prison à vie ou à mort déclare Alexandra El Khazen, responsable du bureau Moyen-Orient. L’Egypte est une des plus grandes prisons au monde pour les professionnels de l’information.”


Ahmed Fathallah, diplomate égyptien, a été réélu ce 23 juin dernier au Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Cette élection a suscité une fierté nationale communiquée par le porte-parole du ministère des Affaires étrangères égyptien Ahmed Abu Zeid qui a décrit cela comme une preuve de “la confiance de la communauté internationale” dans le pays et a ajouté que cela envoyait un message fort aux sceptiques qui condamnent la situation des droits humains en Egypte.


RSF souligne que concernant la liberté de la presse, les exactions à l’encontre des journalistes sont quasi-quotidiennes dans ce pays devenu hostile au pluralisme des médias et à l’indépendance journalistique, sous couvert de stabilité et de sécurité nationale.


Condamnation à mort pour des journalistes dans un procès politique


Trois journalistes, dont deux d’Al-Jazeera, ont été condamnés à mort par contumace le 18 juin 2016 par un tribunal du Caire, dans une affaire d’espionnage avec le Qatar. Ils font partie du même procès avec six autres accusés, dont l’ancien président Mohamed Morsi, tous condamnés à la peine capitale. Ils sont accusés d’avoir servi d’intermédiaire dans une livraison au Qatar de documents confidentiels “relevant de la sécurité nationale”. Cette décision est susceptible d’appel.


Les journalistes concernés de la chaîne qatarie sont l’ancien directeur de l’information, qui a 25 ans d’expérience dans le journalisme, Ibrahim Helal, et le journaliste jordanien Alaa Omar Mohammed Sablan. Asmaa Al-Khatib est la troisième journaliste, ancienne rédactrice pour le site pro-islamiste Rassd. RSF n’est pas en mesure d’établir un lien entre la profession et ces poursuites pour cette dernière.


RSF déplore profondément ces condamnations affligeantes à l’encontre de ces journalistes et demande que ce jugement à l’encontre des professionnels des médias soit révisé en appel. La chaîne qatarie a dénoncé ce jugement, en estimant qu’il s’agit d’une attaque grave et sans précédent au journalisme et à la liberté d’expression dans le monde.


En août 2015, trois journalistes d’Al-Jazeera Mohamed Fadel Fahmy, Bahr Mohamed et l’australien Peter Greste – avaient été condamnés à trois ans de prison lors de leur deuxième procès pour avoir “soutenu une organisation terroriste” et “diffusé de fausses informations”. Peter Greste a été expulsé après plus d’un an de prison, et les deux autres journalistes ont été graciés par le président Sissi en septembre 2015.



Expulsion d’une journaliste étrangère


De plus, RSF condamne fermement l’expulsion d’une journaliste britanno-libanaise vers le Liban de manière humiliante le 27 juin dernier. Liliane Daoud, ancienne journaliste de la BBC à Londres, qui travaillait pour la chaîne privée égyptienne ONTV, a été arrêtée à son domicile dans le quartier de Zamalek au Caire et expulsée sur le champ par les autorités égyptiennes au prétexte que ses papiers n’étaient pas en règle. Elle venait de terminer son contrat de cinq ans avec la chaîne quelques heures avant son arrestation. Son ex-mari Khaled alBerry a dénoncé cette arrestation sur son compte Facebook en précisant que les autorités n’ont pas laissé la journaliste contacter son avocat ou son ambassade ou même emporter des affaires. Selon la presse locale, son avocat a souligné la volonté de sa cliente de tout faire pour retrouver sa vie en Egypte. Liliane Daoud, qui présentait l’émission politique “Al Sora Al Kamela” (L’image complète) depuis 2011, est victime depuis début 2015 d’une énorme campagne sur les réseaux sociaux menée par des internautes qui la jugent trop critique envers le régime et trop proche de l’opposition. Son émission avait été suspendue en mai 2016 peu après le rachat de la chaîne par un homme d’affaires égyptien, Ahmed Abou Hashima, proche du régime de Sissi.


Pour rappel, le correspondant des médias français La Croix et RTL, Rémy Pigaglio, avait été refoulé fin mai dernier à l’aéroport du Caire sans explication.


La situation des journalistes en Egypte est de plus en plus précaire. Le pays est une des plus grandes prisons pour les journalistes, après la Chine, l’Erythrée et l’Iran.


L’Egypte figure à la 159e place (sur 180) du Classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2016.

Publié le
Updated on 01.07.2016