Les bureaux des quotidiens Le Patriote et 24 Heures ont été totalement détruits et incendiés par des groupes de "Jeunes Patriotes". Ceux du quotidien Le Nouveau Réveil ont été saccagés. L'armée a interdit la diffusion de certains journaux d'opposition à Abidjan. Les émetteurs de RFI, BBC et Africa N°1 sur la bande FM ont été sabotés.
Reporters sans frontières se déclare indignée et écœurée par la vague de répression qui s'est abattue jeudi 4 novembre sur la presse d'opposition en Côte d'Ivoire, alors que le climat politique et militaire s'est brusquement dégradé entre les forces loyalistes et les ex-rebelles.
« Ce jeudi noir pour la liberté d'expression en Côte d'Ivoire est une opération concertée visant à faire taire des voix discordantes à Abidjan, a déclaré Reporters sans frontières. Les autorités ivoiriennes doivent comprendre que ces 'descentes' politiques, opérées par des milices fidèles et cautionnées par les forces armées, sont non seulement illégales, mais surtout intolérables pour un gouvernement qui se dit démocratique. Comme nous l'avons souligné à maintes reprises, le président Laurent Gbagbo ne devrait pas tolérer que des civils armés fassent régner la terreur à Abidjan. »
« Dans ce contexte de violence politique où les médias sont considérés comme des objectifs militaires, nous exhortons les Etats et organisations encore influents en Côte d'Ivoire à peser de tout leur poids pour faire cesser cette vague de répression. Nous ne doutons pas que l'ONU, garante des accords d'Accra, va intervenir avec énergie, le muselage de la presse d'opposition étant toujours le signe avant-coureur de plus graves violences », a ajouté l'organisation.
Dans l'après-midi du 4 novembre à Abidjan, les bureaux des quotidiens 24 Heures et Le Patriote, un quotidien proche du RDR, le parti d'Alassane Ouattara, ont été saccagés puis réduits en cendres par des groupes de « Jeunes Patriotes ». L'intégralité du matériel de la rédaction du Nouveau Réveil, quotidien proche du PDCI-RDA de l'ancien président Henri Konan Bédié, a été détruit par environ 200 civils armés de barres de fer et de gourdins, et arborant des T-shirts du groupe proche des « durs » du FPI, le parti du président Laurent Gbagbo.
Plus tard dans la soirée, une source militaire a affirmé au bureau de l'Agence France-Presse (AFP) à Abidjan que les journaux « proches » des ex-rebelles et de l'opposition étaient interdits de distribution en zone loyaliste. « Ce sont des mesures conservatoires contre ces journaux pro-rebelles pour accompagner les mouvements sur le terrain », a expliqué cette source. Il s'agit des quotidiens Le Patriote, Le Libéral, Le Front, Le Nouveau Réveil, le Jour Plus et 24 Heures, accusés de faire « l'apologie de la rébellion ». Des bombardements aériens ont été menés jeudi par les forces armées ivoiriennes contre des positions des ex-rebelles à Bouaké (centre) et dans le nord du pays.
La veille, dans la nuit du 3 au 4 novembre, les diffusions de Radio France Internationale (RFI), de BBC Radio et d'Africa N°1 avaient été interrompues sur la bande FM, après qu'un commando avait saboté leurs installations techniques communes.
Le 27 octobre, Reporters sans frontières s'était inquiétée de la campagne de censure, de destruction et d'intimidation qui s'étendait en Côte d'Ivoire à l'encontre de certains journaux de l'opposition, après que plusieurs témoignages concordants avaient déjà signalé des « descentes » de jeunes Ivoiriens contre des vendeurs de rue à Abidjan.