Le journaliste Jean-Léonard Rugambage a confirmé par téléphone à Reporters sans frontières avoir été libéré le 28 juillet 2006, après onze mois de détention. L'organisation se réjouit de la fin d'un acharnement politico-judiciaire qui a maintenu en détention le rédacteur en chef du bimensuel indépendant Umuco dans le cadre d'une procédure abusive, désormais reconnue comme telle par la justice rwandaise.
Le journaliste Jean-Léonard Rugambage a confirmé par téléphone à Reporters sans frontières avoir été libéré le 28 juillet 2006, après onze mois de détention.
“Je suis reconnaissant envers toutes les organisations, notamment Reporters sans frontières, qui se sont mobilisées afin qu'éclate la vérité, ainsi qu'envers le service national des juridictions ‘gacaca' qui a permis de faire avancer mon dossier”, a déclaré le journaliste depuis Kigali. Il a également salué les “efforts de l'Etat, dans le cadre de la réconciliation nationale, pour sensibiliser la population au rôle des juridictions ‘gacaca', souvent perçues comme des instruments de réglements de comptes.”
L'organisation se réjouit de la fin d'un acharnement politico-judiciaire qui a maintenu en détention le rédacteur en chef du bimensuel indépendant Umuco dans le cadre d'une procédure abusive, désormais reconnue comme telle par la justice rwandaise.
Acquitté le 26 juillet, en appel de sa condamnation à un an d'emprisonnement pour “outrage à la cour”, il a été libéré deux jours plus tard. Le tribunal populaire “gacaca” d'appel a finalement reconnu que le mandat d'arrêt délivré le 7 septembre 2005 à son encontre avait été truqué, et que son arrestation était donc “arbitraire”.
Quant à l'accusation de meurtre pesant sur lui, qualifié de crime de génocide, la juridiction “gacaca” s'est déclarée incompétente suite à deux audiences tenues les 7 et 14 juin. Bien que le journaliste reste passible de poursuites devant un tribunal ordinaire, la secrétaire exécutive des juridictions “gacaca”, Domitille Mukantaganzwa, a confirmé à Jean-Léonard Rugambage que son dossier allait être classé. Celui-ci ayant été libéré, il est peu probable que les poursuites soient engagées.
Il doit prochainement reprendre son poste de rédacteur en chef de Umuco à Kigali.
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27.07.2006 - Un journaliste objet de multiples accusations acquitté pour une affaire
Le 26 juillet 2006, Jean Léonard Rugambage a été acquitté en appel par les juges du tribunal populaire “gacaca” de Mbati, dans le district de Ruyumba, de sa condamnation, le 23 novembre 2005, à une peine d'un an de prison pour “outrage à la cour”.
“Jean Léonard Rugambage a donc été acquitté d'une peine dont il a déjà purgé huit mois, mais il n'en a pas pour autant été remis en liberté. Nous demandons que cesse cette mascarade au service d'obscurs intérêts personnels et qu'il soit relâché une fois pour toute”, a déclaré Reporters sans frontières.
Caporal dans l'armée en 1994, il reste poursuivi pour “planification du génocide”. Suite à l'arrestation de deux témoins de la défense et du passage à tabac d'un autre, lors du procès sur le fond tenu le 7 juin 2006, il a retiré son appel quant à cette accusation.
Les irrégularités accompagnant sa mise en détention préventive le 7 septembre 2005 seront examinées ultérieurement à huis clos. A l'audience du 26 juillet, le juge Théophile Bonabagenda, un des trois signataires du mandat d'arrêt, a notamment fait état de la présence de deux policiers et d'un militaire lors des signatures, effectuées sans consultation du coordinateur des gacaca au niveau du district, et dont l'une avait été falsifiée. Le journaliste du bimensuel indépendant Umuco avait d'autre part été maintenu pendant six jours en détention au commissariat de police de la province de Gitamara (Centre) après son arrestation, alors que la procédure aurait voulu qu'il soit transféré immédiatement vers la prison centrale.
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1.12.2005 - Parodie de justice pour le journaliste Jean-Léonard Rugambage
Reporters sans frontières est effarée par les injustices subies par Jean-Léonard Rugambage, journaliste du bimensuel indépendant Umuco. Un sommet a été atteint le 23 novembre 2005 avec sa condamnation à un an de prison pour « outrage à la cour » après qu'il eut contesté l'impartialité du président du tribunal populaire chargé de le juger. Son procès pour sa prétendue participation à un assassinat, lors du génocide de 1994, a été reporté à l'année prochaine, lorsque le journaliste aura purgé cette peine.
« Tout, dans l'histoire de ce journaliste, est marqué par la mauvaise foi, le déni de justice et l'acharnement, a déclaré Reporters sans frontières. Son acte d'accusation semble avoir été opportunément fabriqué, alors que son journal dénonçait les dysfonctionnements et les aberrations de certains tribunaux gacaca. Après un examen des faits, nous ne pouvons que dénoncer avec fermeté la machination ayant conduit à l'incarcération, l'accusation et le maintien en détention de Jean-Léonard Rugambage. Nous sommes atterrés de voir que les gacacas peuvent être utilisées pour assouvir des vengeances personnelles, asseoir l'autorité de certains ou faire taire des organes de presse. »
Selon le compte-rendu de l'audience publié par l'agence de presse suisse Hirondelle, dès l'ouverture de sa deuxième comparution devant un tribunal populaire gacaca du secteur Mbati, dans la commune de Ruyumba (préfecture de Gitarama, Centre) le 23 novembre 2005, Jean-Léonard Rugambage a introduit une motion de défiance pour « partialité » à l'encontre du juge-président, Theophile Kalisa. Le journaliste estimait que le juge, en refusant systématiquement d'entendre les témoins de la défense, jetait le soupçon sur sa neutralité. Le juge a répondu immédiatement que le journaliste avait « manqué de respect à un homme intègre ». En kinyarwanda, les juges des gacaca sont nommés « Inyangamugayo » (« personnes intègres »). Les sept juges se sont alors retirés pour délibérer sur l'incident. A leur retour, Jean-Léonard Rugambage a été verbalement sermonné et condamné à un an de prison pour « outrage à la cour ». Son procès pour participation présumée au génocide a été repoussé à l'expiration de cette peine.
Lorsqu'il a demandé si cette peine incluait les deux mois et demi qu'il avait déjà effectués en prison, le journaliste s'est entendu répondre par le juge : « Nous ne sommes pas au courant de votre arrestation. » Jean-Léonard Rugambage, vêtu de l'uniforme rose des prisonniers, a protesté auprès du juge en expliquant qu'il avait été arrêté « sur la base d'un acte d'accusation dressé par ce tribunal ». Le juge a clos le chapitre en disant que cette affaire n'était pas de son ressort, mais de celui de la police. Après l'arrestation du journaliste, le 7 septembre, la police de la province de Gitarama avait affirmé qu'elle avait agi en vertu d'un ordre de la gacaca de Ruyumba.
Jean-Léonard Rugambage avait été arrêté 10 jours après la publication d'un numéro de Umuco dans lequel il avait dénoncé la corruption de certains juges des gacaca du district de Ruyumba et l'utilisation des tribunaux populaires pour régler des comptes personnels.
Le 5 octobre, en présence d'un représentant de Reporters sans frontières, le journaliste avait une première fois comparu devant la gacaca de Ruyumba, au cours de laquelle des témoins avaient lancé à son encontre des accusations diverses, allant de la distribution d'armes à la fabrication de faux passeports. Un témoin l'avait accusé d'avoir tué le gérant d'une banque durant le génocide, après avoir pillé son établissement. Le père de la victime avait toutefois déclaré qu'il n'avait jamais vu le journaliste. Au cours de l'audience du 23 novembre, Jean-Léonard Rugambage s'est fait accompagner par deux co-détenus qui ont avoué le meurtre du gérant de la banque. Selon lui, la victime, d'origine Hutue, a été assassinée pour des raisons crapuleuses et non dans le cadre du génocide.
D'autre part, en 1996, le journaliste avait été jugé et acquitté par la justice ordinaire pour cette même affaire. Selon lui, le juge Théophile Kalisa faisait déjà partie de ses accusateurs.