« Je n'ai pas perdu espoir » : témoignage du directeur du Daily News, Samuel Sipepa Nkomo

Fondé en 1999, le Daily News était tiré à 150 000 exemplaires, avant d'être interdit en septembre 2003. Le journal a reçu en 2003 le prix Reporters sans frontières / Fondation de France. Après deux ans de bataille judiciaire, la Commission des médias et de l'information (MIC) a refusé, le 18 juillet 2005, la reparution du Daily News, bien que la Cour suprême ait reconnu que son interdiction était illégale. Quarante-cinq journalistes du Daily News doivent comparaître, le 12 octobre 2005, pour avoir exercé leur métier sans accréditation officielle. Ils risquent une peine de deux ans de prison. Depuis la suspension du quotidien et de son édition du week-end Daily News On Sunday, Samuel Sipepa Nkomo, le directeur du journal et de sa société éditrice, Associated Newspapers of Zimbabwe (ANZ), traverse une des pires périodes de sa carrière. _______________________________________________________ "Je n'ai pas perdu espoir" « Je ne suis pas surpris que notre journal ait fermé. Nous avions décidé d'avoir une ligne éditoriale indépendante. Ceux qui ont fait fermer nos journaux sont des lâches qui n'avaient pas le courage de se confronter à des critiques constructives. J'ai renoncé à fixer la date d'une éventuelle reparution, mais je reste à mon poste de président de l'Associated Newspapers of Zimbabwe (ANZ), jusqu'à ce que les journaux soient à nouveau publiés. C'est une question de mois, peut-être d'années, mais je serai là. J'ai enduré des années éprouvantes en tant que directeur de l'ANZ, mais si la tête perd espoir, c'est le corps entier qui perd espoir. Je n'ai pas perdu espoir. Je pense qu'un jour, le Daily News reparaîtra. Ce jour n'est pas si éloigné, car le mal ne peut régner indéfiniment. Depuis la fermeture du Daily News et du Daily News On Sunday le 12 septembre 2003, nous avons dépensé 10 milliards de dollars zimbabwéens (environ 182 000 euros) en frais de justice. Notre actionnaire majoritaire, Strive Masiyiwa, nous a financés ces deux dernières années. Quand les journaux ont fermé, il a promis de continuer à nous soutenir et à nous financer pendant deux ans. Malheureusement, ces deux années sont passées sans que nous puissions faire reparaître le journal. Nous sommes donc contraints de revenir vers lui, afin qu'il nous soutienne dans notre bataille pour l'obtention d'une licence. Le financement viendra au compte-gouttes, car Strive Masiyiwa a d'autres engagements. Nous avons intenté deux procès à la Cour administrative et à la Haute Cour. Cette démarche peut sembler étonnante. Mais la question n'est pas de savoir si nous faisons confiance au système judiciaire zimbabwéen. Même si je ne faisais pas confiance à la justice, ça ne m'empêcherait pas d'intenter des procès. En effet, nous n'avons pas le choix. Ce système judiciaire est le seul que nous avons, le seul qui existe ici. De même que le Zimbabwe est notre seul pays. Je suis triste d'avoir été contraint de licencier 167 employés, dont des journalistes, à cause de cette bataille judiciaire prolongée. Mais je suis certain que ceux qui travaillaient au Daily News et Daily News On Sunday brûlent du désir de revenir, pour à nouveau « dire les choses comme elles sont », notre mot d'ordre (« Tell it as it is »). Les employés qui ont été licenciés savent que c'était le désir du gouvernement de les mettre au chômage, pas le nôtre. A présent, nous avons perdu deux étages de bureaux, suite à la décision de la MIC de nous refuser une licence. Mais une nouvelle aube est proche. Quand nous reviendrons, nous serons plus forts et plus engagés. Même nos journalistes qui sont actuellement à l'étranger viendront reprendre le flambeau. Si Dieu est avec nous, alors ceux qui sont contre nous ne domineront plus longtemps. »
Publié le
Updated on 20.01.2016