J -50 avant l'élection présidentielle : le gouvernement reprend le contrôle de l'information

À cinquante jours du scrutin présidentiel du 23 février 2006, Reporters sans frontières exprime sa désapprobation face à la campagne de contrôle de l'information lancée par le gouvernement du chef de l'Etat sortant Yoweri Museveni. Depuis quelques mois, celui-ci emploie en effet différents moyens de coercition et d'intimidation afin de museler une presse souvent critique et, parallèlement, affermit son emprise sur plusieurs médias.

À cinquante jours du scrutin présidentiel du 23 février 2006, Reporters sans frontières exprime sa désapprobation face à la campagne de contrôle de l'information lancée par le gouvernement du chef de l'Etat sortant Yoweri Museveni. Depuis quelques mois, celui-ci emploie en effet différents moyens de coercition et d'intimidation afin de museler une presse souvent critique et, parallèlement, affermit son emprise sur plusieurs médias. « La campagne électorale, qui a démarré le 14 décembre, devait se dérouler dans un climat serein et juste. Or, tel n'est pas le cas. La volonté de reprise en main de l'information est claire. La stratégie du gouvernement, visant à assujettir la parole publique, disqualifie l'image démocratique qu'il s'efforce de se donner. Il prouve, en tout cas, qu'il craint les médias libres et qu'il n'est pas résolu à respecter les règles démocratiques s'il pense que celles-ci peuvent lui coûter le pouvoir », a déclaré Reporters sans frontières. Dans un contexte politique tendu où la presse n'hésite pas à critiquer le gouvernement, les poursuites judiciaires ont été un moyen privilégié, en 2005, pour contrôler l'information. Dernier épisode de cette campagne d'intimidation, le 13 décembre 2005, deux journalistes du quotidien privé The Weekly Observer ont été inculpés pour « incitation au sectarisme ». James Tumusiime, directeur de publication, et Semujju Ibrahim Nganda, journaliste, risquent jusqu'à cinq ans de prison. Arrêtés et interrogés pendant plusieurs heures par la police de Kampala, ils ont dû s'expliquer sur un article paru le 1er décembre dénonçant nommément les généraux, dont le président Yoweri Museveni, ayant donné l'ordre d'arrêter Kizza Besigye, leader du Forum pour un changement démocratique (FDC, opposition) et principal rival du président sortant, à son retour d'exil. Le quotidien indépendant Daily Monitor avait subi, en novembre 2005, une semaine de harcèlement de la part de la police et avait été menacé de fermeture, dans le cadre d'une campagne de disqualification de Kizza Besigye. Peu après 23 heures, le 17 novembre, une vingtaine de policiers en armes avaient fait brutalement irruption dans les bureaux du journal, après la parution dans son édition du jour d'une publicité du FDC. L'un des collaborateurs du Daily Monitor, Lawrence Nsereko, a, quant à lui, été passé à tabac le 29 décembre par deux militants du National Resistance Movement (NRM), le parti présidentiel, irrités par le fait qu'il avait enlevé une affiche de propagande du candidat Museveni, du tableau des publicités de son journal. L'un des plus célèbres journalistes du Daily Monitor, Andrew Mwuenda, est parallèlement poursuivi pour « sédition » et encourt cinq ans de prison, après avoir animé, le 10 août, une émission de débats sur la station de radio privée KFM sur l'accident d'hélicoptère qui avait coûté la vie au leader sudiste soudanais John Garang. Le 11 août, KFM avait été suspendue pendant une semaine. Le 23 novembre, à la veille de la comparution devant une cour militaire de Kizza Besigye, le gouvernement ougandais avait interdit aux radios de tenir des débats sur le sujet. Il s'appuyait sur les lois ougandaises qui interdisent de commenter les procédures judiciaires en cours de manière à préserver « le droit à un procès juste ». Le soir même, les locaux de la station privée Radio Simba avaient été encerclés par des hommes armés à la recherche d'un responsable de l'opposition, Muwanba Kivumbi, invité pour une interview. Ce dernier avait été interpellé lorsqu'il était arrivé sur place. La campagne du camp présidentiel, visant à tenir en respect la presse indépendante, prend également la forme d'une infiltration au sein des instances éditoriales. Récemment, le chef de l'Etat a approuvé la nomination du colonel Noble Mayombo, secrétaire permanent du ministère de la Défense et ancien chef des renseignements militaires, comme président du conseil d'administration du quotidien public New Vision, le plus important tirage du pays. Le gouvernement sélectionne également les journalistes dignes, selon lui, d'être informés ou accrédités, par le biais d'une cellule de communication nouvellement créée. Le régime a enfin renforcé ses liens avec l'hebdomadaire tabloïd The Red Pepper, qu'il finance à hauteur de 270 millions de shillings (environ 125 000 euros), accentuant son emprise sur un journal sensationnaliste fréquemment utilisé pour disqualifier l'opposition.
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Updated on 20.01.2016