Iran : un projet de loi vise à renforcer le “mur numérique” et la censure sur internet
Le Parlement iranien s’apprête à examiner un projet de loi destiné à placer les réseaux sociaux sous le contrôle des forces armées. Reporters sans frontières (RSF) demande le retrait de cette proposition liberticide et appelle l’Iran à respecter ses engagements internationaux.
Pour mieux renforcer le contrôle sur les réseaux sociaux, un projet de loi intitulé « Organisation des messageries des réseaux sociaux » qui consolide encore le “mur numérique” déjà existant en Iran a été soumis le 16 août dernier au Parlement iranien, qui doit l’examiner prochainement.
Selon ce texte de loi, « les ports d'entrée et de sortie de l’internet, ainsi que la bande passante vers l’étranger des plateformes de réseau social seront placés sous le contrôle du quartier général des forces armées et soumises à l’approbation du Guide suprême de la république islamique ». Le projet prévoit également la création d'un conseil d'administration qui supervisera les plateformes, composé de représentants de la justice, du gouvernement, et des Gardiens de la révolution. L’article 20 énonce que « toutes les messageries internationales et nationales doivent coordonner leurs activités selon les lois iraniennes, et (que) le conseil doit approuver leur fonctionnement ». Les internautes qui ne respecteraient pas cette loi « seront punis de 90 jours à six mois de prison ferme ». Quant à ceux qui produisent ou distribuent - sans licence officielle, puisque le gouvernement en a proscrit la vente - des réseaux privés virtuels (VPN), très utilisés pour accéder à des sites interdits, ils encourerront des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans et des amendes.
« Ce projet qui consiste à placer les réseaux sociaux sous un contrôle total équivaut à verrouiller l’accès à l’information et à nier au peuple iranien le droit fondamental d’être informé en ne lui proposant qu’une vision limitée de la réalité à travers un “internet halal” déjà mis en place, déclare la responsable Technologie de RSF, Iris de Villars. La République islamique iranienne est signataire de plusieurs conventions internationales et, en tant que tel, se doit de respecter ses engagements, notamment en ce qui concerne le libre accès à internet. Nous demandons aux autorités iraniennes d’annuler l’examen par le Parlement de ce projet de loi particulièrement liberticide pour la liberté d’expression. »
Bien que la République islamique soit l’un des pays les plus actifs au Sommet mondial sur la société de l’information (WSIS) et membre de l’Union internationale des télécommunications (UIT), de l’Unesco ainsi que de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD), l’Iran est un des grands prédateurs numériques recensés par RSF.
Malgré leur interdiction, les réseaux et applications tels que Telegram, Facebook ou Twitter jouent actuellement un rôle important dans la diffusion de l'information en Iran. En plus de bloquer sites et messageries, l’Etat recourt de plus en plus souvent aux coupures internet pour contenir, réprimer les mouvements de contestation dans le pays, et limiter la transmission et la diffusion d'informations indépendantes, qualifiées de tentatives "contre-révolutionnaires subversives, (de) propagande contre le régime, (d’)atteintes à la sécurité nationale ou (d’)insulte envers le sacré ». Cet accès limité ne concerne cependant pas les hauts responsables de l’Etat qui peuvent posséder un compte internet et publier librement, ce qui constitue pour RSF un cas flagrant de “discrimination digitale”.
L’Iran se situe à la 173e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.