Iran

Nom de domaine : .ir
Population : 76 923 300
Internautes : 28 200 000
Prix moyen d’une heure de connexion dans un cybercafé : 70 centimes d’euro
Salaire mensuel moyen : environ 300 euros
Nombre de net-citoyens emprisonnés : 8 L'Iran, l'un des champions de la cyber-censure, a encore intensifié la répression et la surveillance en ligne depuis les troubles liés à la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad, le 12 juin 2009. Le régime diabolise les nouveaux médias, qu’il accuse de servir des intérêts étrangers. Une douzaine de net-citoyens croupissent dans la prison d'Evin. Mais les internautes courageux continuent de se mobiliser. Un système de filtrage bien rodé La censure est inscrite au cœur de l’appareil d’Etat. Les fournisseurs d'accès à Internet louent la bande passante à la Companie des Télécommunications d’Iran (CTI), contrôlée par les Gardiens de la Révolution. Elle est chargée d'ordonner le blocage des sites, ce qui assure une politique de censure homogène. Des logiciels de filtrage développés en Iran sont utilisés. Les critères de blocage sont définis par le Comité en charge de déterminer les sites non autorisés. Il réunit des membres de plusieurs branches du gouvernement et de l’organe judiciaire : le ministère de la Communication et des Technologies de l'Information, le ministère de la Culture et de l'Orientation islamique, le ministère des Renseignements et de la Sécurité Nationale et le procureur général de Téhéran. Les censeurs combinent blocage d'URL et filtrage de mots clés. Ils se montrent réactifs à l’actualité. Parmi les mots clés bloqués, on retrouve le terme “femme” en persan, mais aussi “torture” et “viol” après que l'un des leaders de l'opposition, Mehdi Karoubi, a dénoncé, en août 2009, les mauvais traitements infligés aux manifestants incarcérés dans la prison de Kahrisak. La vitesse des connexions individuelles en Iran est lente, limitée à 128 kb/s. Les foyers et les cybercafés ne sont pas autorisés à avoir accès au haut-débit sur décret du ministère de la Communication. Cet obstacle technique limite la capacité des internautes à télécharger photos et vidéos. En période de troubles, la vitesse est encore ralentie. Les autorités utilisent la loi sur la presse, le code pénal et la loi de 2009 sur la cybercriminalité pour poursuivre les internautes. L’article 18 de cette dernière prévoit jusqu’à deux années de prison et une amende pour quiconque reconnu coupable de “diffusion de fausses informations susceptibles de troubler l’opinion publique.” Blocages de sites L'Iran applique une politique de filtrage parmi les plus strictes au monde, qui s'est encore intensifiée depuis juin 2009. Les autorités se targuent de bloquer des centaines de milliers de sites. Une chose est avérée : des milliers de sites et des millions de pages associées sont aujourd'hui inaccessibles en Iran. Les autorités iraniennes filtrent traditionnellement des contenus religieux et des sites considérés comme pornographiques ou obscènes. Depuis l'arrivée au pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad, la censure touche de plus en plus de sites à caractère politique ou en rapport avec le combat pour les droits des femmes. Parmi les sites “féministes” bloqués : www.we-change.org, www.roozmaregiha2.blogfa.com et www.pargas1.blogfa.com. Le site des réformateurs, www.baharestaniran.com, est également bloqué, ainsi que celui de l'ancien président Mohamed Khatami, www.yaarinews.ir. La censure touche d'abord les sites d'informations en persan, mais le blocage des sites en anglais devient de plus en plus courant. Le site de la BBC en persan est bloqué depuis janvier 2006, la version anglaise seulement depuis juin 2009. Les autorités ont établi au printemps 2009, juste avant l’élection présidentielle, une liste d'instructions encadrant la couverture de la campagne et la responsabilité des fournisseurs d'accès. Ces instructions détaillaient une vingtaine de thèmes censurés, dont la “mise en danger de l'union nationale” et la “création de sentiments négatifs envers le gouvernement”. Ainsi, les sites d’informations susceptibles de contester la victoire de Mahmoud Ahmadinejad, et notamment une dizaine de sites Internet proches de l’opposition, ont été censurés à la veille de l’élection. Depuis le 12 juin, la censure a pris des proportions sans précédent. Les autorités renforcent leur emprise sur tout support ou média qui pourrait contester la “victoire“. Les sites jugés proches de l'opposition, comme sahamnews.info ou des sites d'informations comme www.mizanews.com, sont visés. La censure touche même des sites proches des conservateurs, comme www.ayandenews.com, ce qui est révélateur des divisions au sein du pouvoir. Le site Parlemannews - site officiel de députés réformateurs - est inaccessible de manière intermittente depuis le 26 décembre, suite à la publication d’un communiqué du Conseil suprême de sécurité nationale annonçant l’interdiction de toutes les cérémonies à la mémoire de l’ayatollah Montazeri, un leader religieux iranien décédé le 20 décembre dernier (http://www.rsf.org/Enterrement-de-l-Ayatollah.html). Des plateformes de blogs comme www.blogfa.com ne sont pas bloquées dans leur intégralité, mais des blogs individuels sont rendus inaccessibles. Les réseaux sociaux touchés de plein fouet par la censure post-électorale Le régime iranien considère les réseaux sociaux comme des instruments de l'opposition. Facebook et Twitter, qui ont relayé les appels aux manifestations, sont bloqués constamment depuis juin 2009. Même traitement pour MySpace.com et Orkut.com. Les sites participatifs d'échanges de photos ou de videos sont parmi les premiers visés : Flickr.com, www.photobucket.com et YouTube.com sont bloqués. Les autorités cherchent en particulier à empêcher l’envoi via Internet de vidéos prises par téléphone portable. La diffusion des images de la mort de la jeune manifestante Neda Agha-Soltan a fait trop de mal à l’image du régime. La vidéo anonyme a reçu le prestigieux prix du journalisme américain George Polk en février 2010. Au cours des manifestations du 7 décembre 2009 par exemple, les portables de certains manifestants ont été saisis par les forces de l’ordre. Un nombre encore indéterminé de personnes qui prenaient des photos ou filmaient les événements avec leurs téléphones auraient également été arrêtés. La vitesse de connexion, indicateur des tensions Depuis l'été 2009, à l'approche de chaque rendez-vous de l'opposition ou de manifestations potentielles, Internet est fortement ralenti dans plusieurs grandes villes du pays. Jusqu'à atteindre 56kb/s selon certains internautes contactés par Reporters sans frontières. Les autorités évoquent un problème technique. Elles ne peuvent pas se permettre de couper l'accès à Internet sans nuire aux intérêts économiques des Gardiens de la Révolution, mais des coupures temporaires à des moments critiques ont été constatées. Ce fut le cas à l’occasion des célébrations du 31e anniversaire de la Révolution islamique, le 12 février 2010. De forts ralentissements des connexions, ainsi que des coupures totales ou limitées à certains quartiers, ont été observés dans plusieurs grandes villes du pays, notamment à Téhéran, Mashhad, Ispahan, Ahvaz, et Shiraz. Certaines compagnies de téléphonie mobile ne permettaient plus d’envoyer des SMS dès le 6 février au soir. Le brouillage des signaux de la téléphonie mobile avait également été intensifié. Surveillance La surveillance des internautes est facilitée par le fait que tout le trafic passe par un seul point, contrôlé par les Gardiens de la Révolution. Une cyberpolice garde en permanence un œil sur les activités des Iraniens en ligne. Ce qui explique en partie la décision, prise le 10 février 2010, de suspendre la messagerie Gmail, très utilisée par les dissidents et plus difficile à surveiller, surtout depuis que les e-mails sont cryptés. Mais l’accès à la messagerie reste possible via des serveurs proxy. Les autorités, ont de leur côté, annoncé le lancement prochain d’un service de messagerie national. Des soupçons de collaboration pèsent sur la société Nokia Siemens Network, qui aurait facilité la surveillance des communications par téléphones portables. Reporters sans frontières lui a demandé des explications dans un courrier daté du 29 juin 2009. L'entreprise a reconnu avoir vendu à la compagnie de télécommunications iranienne un équipement traditionnel capable de surveiller les appels vocaux, mais nie lui avoir vendu la capacité de contrôler des données ou des activités Internet. Des net-citoyens victimes de rafles Avec une soixantaine de journalistes et blogueurs détenus, une cinquantaine contraints de prendre le chemin de l'exil, la République islamique d’Iran est devenue la plus grande prison du Moyen-Orient et l’une des cinq plus grandes prisons du monde pour les journalistes et net-citoyens. Une trentaine de net-citoyens ont été arrêtés depuis juin 2009 et une quinzaine sont toujours détenus. Parmi eux, la blogueuse et militante des droits de l’homme, Shiva Nazar Ahari (http://azadiezan.blogspot.com), arrêtée le 20 décembre dernier, à la veille de l’enterrement de l’ayatollah Montazeri. Elle avait déjà été arrêtée le 14 juin 2009 et détenue pendant cinq mois. En novembre 2008, le cyberdissident Mojtaba Lotfi a été condamné à quatre ans de prison et cinq ans de bannissement pour “diffusion d’opinions du grand ayatollah Montazeri” et de “publicité contre le régime”. Plusieurs blogueurs et journalistes ont été accusés par la justice iranienne d’être des “mohareb” (ennemis de Dieu). Ils risquent la peine de mort. Omidreza Mirsayafi est quant à lui décédé en détention, le 18 mars 2009. Les circonstances de sa mort n’ont pas été élucidées. Il avait été condamné, en décembre 2008, à deux ans de prison pour “insulte envers des dirigeants de la République islamique” et à six mois pour “publicité contre le régime”, par le tribunal révolutionnaire de Téhéran, suite à la publication d’articles sur son blog. La riposte des autorités : propagande, infiltrations et cyber-attaques Les nouveaux médias sont investis par les opposants, mais le régime s'y est vite fait une place afin de faire passer son message. La guerre des mots est lancée. Un porte-parole des Gardiens de la Révolution a annoncé le lancement de 10 000 blogs animés par la milice Basiji. De jeunes informaticiens ont été recrutés et forment le bras armé éléctronique des Gardiens de la Révolution. Cette cyberarmée iranienne revendique les cyber-attaques contre de nombreux sites de dissidents. Autre méthode utilisée : la redirection des pages d’accueil de certains sites d’informations indépendants sur les pages de sites qui assurent la propagande du gouvernement. C’est le cas du site Balatarin, l’un des bastions en ligne du mouvement de contestation. Le régime a aussi créé de faux sites Internet d’organisations politiques ou de médias étrangers, sur lesquels les internautes sont invités à envoyer des e-mails, des vidéos et à poster des commentaires pour des rassemblements. Cette machinerie permet ensuite d’accuser ces internautes d’espionnage pour le compte d’organisations étrangères. La cyberdissidence tient bon La blogosphère iranienne est l’une des plus dynamiques au monde. La jeune population du pays s'est prise d'un véritable engouement pour Internet et la censure ne lui fait pas peur : elle utilise très facilement des outils de contournement tels que UltraReach ou FreeGate, développés par le Global Internet Freedom Consortium aux Etats-Unis, et qui sont très utilisés par les internautes iraniens. Autre exemple de mobilisation : des centaines d'Iraniens se sont habillés en femme portant le hijab et ont posté la photo sur leur profil Facebook en décembre 2009. Ils exprimaient ainsi leur soutien à Majid Tavakoli, un étudiant militant arrêté à Téhéran et accusé de s'être déguisé en femme pour pouvoir s’éclipser discrètement d’un rassemblement à Téhéran au cours duquel il avait prononcé un discours. Des internautes du monde entier ont exprimé leur solidarité avec les manifestants iraniens, comme ces net-citoyens chinois qui ont lancé la campagne “#CN4Iran” sur Twitter. Liens : http://www.advarnews.us/ : site d’une organisation d’étudiants sur la situation des droits de l’homme en Iran (farsi)
http://norooznews.ir/ : site d’informations du parti réformateur (farsi)
http://news.gooya.com/ : site le plus visité sur l’Iran, à l’étranger (farsi)
http://www.farsnews.com/ : site de l’agence officielle d’information (anglais et farsi)
http://we-change.org/ : Tagir Bary Barbary - ("Changement pour l’égalité" - farsi et anglais) : journal féministe auquel participe Maryam Hosseinkhah
http://irwomen.net/ : site féministe iranien (farsi)
http://www.feministschool.com/ : site de l’association des femmes iraniennes (farsi)
Publié le
Updated on 20.01.2016