Irak : RSF dénonce la détention arbitraire d’un mois de deux journalistes européens qui enquêtaient sur la communauté yézidie

Marlène Förster, journaliste allemande et son collègue slovène Matej Kavčič, n’ont été libérés qu’après un mois de détention par les autorités irakiennes sans la moindre charge officielle. Reporters sans frontières (RSF) condamne ces détentions arbitraires et exige des autorités irakiennes de cesser de criminaliser le métier de journaliste.

Alors qu’ils menaient une enquête de terrain, depuis quelques mois, sur l’évolution des conditions sociales de la communauté yézidie depuis les pogroms de 2014, perpétrés par l'État islamique, le journaliste slovène Matej Kavčič, qui collabore avec Radio Študent, et la journaliste allemande Marlène Förster ont été arrêtés dans le Nord de l’Irak, dans la région du Sinjar (Shengal en kurde), principale zone de peuplement des Kurdes yézidis. Les deux journalistes revenaient des célébrations de la fête du nouvel an yézidi Çarşema Sor, lorsqu’ils ont été arrêtés à un poste de contrôle de l'armée irakienne le 20 avril 2022. Ils ont été interrogés pendant des heures, avant d’être transférés à Mossoul, puis à Bagdad deux jours plus tard.  

Après avoir mené leur enquête, les autorités irakiennes ont confirmé que Matej Kavčič et Marlène Förster n’avaient aucun lien avec le PKK ou les groupes armés de la région et qu’ils étaient journalistes. Il s'avère que les raisons de leur détention avancée par les autorités irakiennes, même si aucune déclaration officielle n’a été faite, étaient “des mesures de sécurité et l’expiration de leur visa”. Matej Kavčič et Marlène Förster ont pu rejoindre leurs familles dans leurs pays respectifs le 20 mai, un mois après leur arrestation. Durant toute la durée de leur détention, ils étaient complètement coupés du monde extérieur. 

“Nous condamnons la détention arbitraire de Marlène Förste et Matej Kavčič, qui n'auraient jamais dû être privés de leur liberté, et nous sommes soulagés qu'ils aient enfin pu retourner auprès de leurs familles après un mois d'épreuve. Nous demandons aux autorités irakiennes de veiller à ce que les journalistes ne soient plus jamais pris pour cible de cette manière, et qu'ils puissent faire leur travail en toute sécurité et sans entraves dans tout le pays,” a déclaré Rebecca Vincent, directrice des opérations et des campagnes de RSF.

Dans une lettre ouverte qui a été initiée par les parents de Marlène et adressée à la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock, ils ont révélé les conditions d’arrestation brutales des deux journalistes : “L’armée irakienne a fait preuve de brutalité. Des effets personnels - notamment des téléphones, des sacs à dos - ont été confisqués.” 

Ces conditions difficiles se sont poursuivies lors de leur détention. Les deux journalistes ont été privés de toute assistance judiciaire et consulaire. Détenue dans une cellule d'isolement, ce n’est qu’au bout de huit jours que Marlène Förster a pu s’entretenir avec le consulat allemand à Bagdad, après avoir entamé une grève  de la faim. Quant à Matej, l'Allemagne a pris en charge sa protection consulaire en application de la directive consulaire de l'Union Européenne. 

Depuis le début de leur détention, les autorités locales sont restées silencieuses. Sans qu’aucune accusation officielle n’ait été formulée contre les deux journalistes, certains médias locaux ont avancé que les autorités irakiennes les accuseraient “d’espionnage”, de “soutenir et de collaborer avec le PKK” (Parti des travailleurs du Kurdistan), et d’autres ont indiqué qu’ils “prétendaient être journalistes”. Leur arrestation coïncide avec un contexte extrêmement tendu, entre intensification des raids turques et irakiens dans la région.

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