Interdiction de sortie du territoire pour le directeur de Demain magazine et Douman
Organisation :
Le 17 avril, Ali Lmrabet, directeur de publication des hebdomadaires Demain magazine et Douman, et correspondant de Reporters sans frontières au Maroc, a été interdit de sortie du territoire alors qu'il s'apprêtait à prendre l'avion pour Paris.
"Nous sommes consternés par une telle mesure. Aucune décision judiciaire ne la justifie. Que reproche-t-on donc au journaliste, au point de l'interdire de sortir du territoire ? Son impertinence ? Son
irrévérence ?", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. Le 16 avril, l'organisation a annoncé qu'elle enverrait, la semaine prochaine, un de ses représentants au Maroc pour effectuer une mission d'enquête sur les récentes entraves à la liberté de la presse.
Le 17 avril, alors qu'Ali Lmrabet s'apprêtait à prendre un vol RAM (Royal Air Maroc), à l'aéroport de Rabat, en direction de Paris, deux agents de la DST lui ont signifié qu'il était interdit de sortie du territoire "sur instruction de la DST". Lorsque le journaliste leur a demandé s'il y avait une décision judiciaire, ils ont répondu par la négative.
Cette mesure est intervenue alors qu'Ali Lmrabet est sous le coup, depuis plusieurs semaines, d'un véritable harcèlement judiciaire. Le 1er avril 2003, il est convoqué par la brigade judiciaire de Rabat (sur instruction du procureur du roi auprès du tribunal de première instance de Rabat). L'interrogatoire porte - durant cinq heures - sur une série d'articles parus au cours des derniers mois. Les articles incriminés concernent le budget de la liste civile royale voté au Parlement (document officiel du ministère des Finances distribué aux parlementaires), une bande dessinée sur l'"histoire de l'esclavage" et un photomontage mettant en scène des personnalités politiques du royaume. "Etes-vous conscient que vous avez porté atteinte à la sacralité des institutions ?", demande-t-on au journaliste. Enfin, il est questionné sur les extraits d'une interview (parue à l'origine dans un quotidien espagnol Avui) d'un républicain marocain, Abdallah Zaâzaâ qui se prononçait notamment pour l'autodétermination du peuple sahraoui. Le journaliste est alors accusé d'avoir "porté atteinte à l'intégralité territoriale du Maroc". "Je m'étonne vraiment que l'on me reproche cette interview. D'une part, parce que la personne dont je reprends les propos n'a pas été, elle, inquiétée. D'autre part, parce que ce n'est pas la première fois que l'on rapporte de tels propos dans la presse marocaine", a déclaré le journaliste à Reporters sans frontières.
Le 9 avril, Ali Lmrabet est à nouveau convoqué : à 14h au commissariat de Rabat et à 14h30 au … palais de justice de Casablanca. Il se rend finalement au tribunal où il est entendu sur six affaires relatives à des plaintes de journalistes du quotidien El Ahdath el Maghribia.
Fin 2002, quarante plaintes ont été déposées par quarante journalistes de cette publication contre Ali Lmrabet, pour un dessin paru dans Demain magazine, le 11 mai 2002, qui qualifiait la publication de "pornographique". Les journalistes ayant pris le soin de ne pas déposer plainte dans les mêmes endroits, le journaliste doit se présenter dans au moins six tribunaux différents pour des audiences qui s'étalent, pour le moment, entre le 28 janvier et le 5 juin 2003. "Il faudrait, pour pouvoir assister à tous ces procès, que le journaliste ait le don d'ubiquité. Il ne peut, de toutes les façons, être jugé et condamné plus d'une fois pour une même affaire", a déclaré Ahmed Benjelloun, son avocat. Pour Ali Lmrabet, "c'est clairement une affaire politique".
Le 10 avril, le journaliste est convoqué une nouvelle fois par la brigade judiciaire de Rabat sur instruction du procureur du roi. Deux policiers lui posent les mêmes questions que la fois précédente. "Vos réponses ne nous satisfont pas", dit l'un d'eux. "Très bien, écrivez donc dans le PV ce que vous venez de dire", rétorque le journaliste. Les policiers refusent.
Le même jour, à Settat (80 km au sud de Casablanca), Mohamed Bennouna Louridi, journaliste collaborant à l'hebdomadaire Douman, est agressé en pleine rue par plusieurs personnes en civil. Ces dernières lui reprochent d'avoir écrit un article sur le gouverneur de la ville, paru le 9 avril.
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Updated on
20.01.2016