Interdiction de diffusion de plusieurs radios étrangères : “Une décision d'un autre temps et une erreur stratégique”

Reporters sans frontières exprime sa déception après l'annonce, le 30 décembre 2008, par le Conseil national de l'audiovisuel, de sa décision d'interdire à plusieurs radios étrangères d'émettre sur les ondes locales à partir du 1er janvier 2009. “Cette décision d'un autre temps est une régression. Alors que le président a été réélu en novembre lors d'une élection irrrégulière et qu'un référendum sur la possibilité de ne plus poser de limites au nombre de mandats présidentiels doit se dérouler en mars, l'annonce de l'arrêt de la diffusion des programmes en azéri de Radio Free Europe/Radio Liberty, Voice of America et de la BBC, présage d'un futur bien sombre”, a déclaré Reporters sans frontières. “La stratégie du pouvoir azerbaïdjanais est incompréhensible. Quelle image le président Ilham Aliev espère-t-il donner par son acharnement à tirer un rideau de fer entre l'information et les Azerbaïdjanais ? Ceux-ci perdront temporairement l'accès à des sources d'information de qualité, mais sauront qui blâmer pour cela. A terme il ne fait pas de doute que la population trouvera les moyens de contourner les limites que les autorités cherchent à lui imposer et que l'image du pays en aura pâti. C'est une erreur stratégique”, a poursuivi l'organisation. Le 30 décembre 2008, le Conseil national de l'audiovisuel a statué en faveur du retrait de la licence de plusieurs radios étrangères. Parmi elles, Radio Free Europe / Radio Liberty, Voice of America et la BBC, qui émettent sur des fréquences locales, ainsi que la radio russe Europe Plus, présente sur la bande FM. L'exécution de cette décision est en principe immédiate. Dans les faits, elle devrait prendre effet le 1er janvier 2009. Pour se justifier, le Conseil national de l'audiovisuel a invoqué la législation, qui prévoit que seules des radios azerbaïdjanaises peuvent émettre sur les ondes locales. Mais cette interprétation est partielle. En effet, la loi sur l'audiovisuel prévoit des dérogations à ce principe sous la forme d'accords intergouvernementaux. La motivation essentielle de cette décision semble politique, RFE/RL, VOA et la BBC étant des sources d'information indépendantes qui abordent des sujets occultés par les médias loyaux au pouvoir. Le service azerbaïdjanais de Radio Free Europe, qui diffuse 67 heures de programmes hebdomadaires, jouit d'une audience très large, attirée par le pluralisme des points de vue exprimés à l'antenne et le traitement de questions comme la corruption, la mortalité infantile, l'état du système de santé, ou les élections. En novembre 2006, dans une offensive généralisée contre la presse, les autorités avaient ordonné la fermeture de la chaîne de radiotélévision ANS. Quelques semaines plus tard, en décembre, la chaîne avait retrouvé sa licence, au prix d'un changement éditorial, sa ligne étant désormais loyale au pouvoir. A cette époque, les trois radios occidentales aujourd'hui frappées d'interdiction avaient été menacées de la même manière, mais un accord avait pu être trouvé in extremis. Dans ce climat délétère, les rédactions du principal quotidien d'opposition, Azadlig, et de l'agence de presse indépendante Turan avaient été expulsées de leurs locaux et déplacées à la périphérie de la capitale. Une série d'arrestations avait également frappé les professionnels des médias. L'Azerbaïdjan est à la 150e position sur 173 pays, dans le classement 2008 de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières. Quatre journalistes y sont toujours emprisonnés : Sakit et Ganimat Zahidov (Azadlig), Eynulla Fatullaïev (Realny Azerbaijan et Gundelik Azerbaijan) et Mushfig Husseynov (Bizim Yol).
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Updated on 20.01.2016