Inquiétudes pour la diversité de la presse et le pluralisme de l'information

Le milliardaire malais Tiong Hiew King a pris le contrôle du groupe de presse en chinois Nanyang Press Holding Berhad. Son groupe médiatique Sin Chew se retrouve ainsi en situation de quasi-monopole dans le domaine de la presse en chinois en Malaisie. "La mauvaise place de la Malaisie (92e) au classement mondial de la liberté de la presse 2006 s'explique en partie par la forte concentration des médias aux mains d'investisseurs proches du gouvernement. Cette situation pousse à l'autocensure. Reporters sans frontières se joint à la Writers Alliance Media Independance, au Civil Rights Committee et au Centre for Independant Journalism qui se sont inquiétés des conséquences de l'extension du groupe Sin Chew pour le pluralisme de l'information. Nous saluons la clairvoyance du Premier ministre malais, Abdullah Ahmad Badawi, qui a reconnu de lui-même lors d'un entretien avec CNN le 14 octobre que "la presse principale s'autocensure, mais les petites parutions (...) font paraître toutes sortes de choses". Il est nécessaire que le Parlement libéralise la Loi sur les publications et la presse écrite et qu'il introduise de nouveaux articles anti-monopole", a déclaré Reporters sans frontières. La concentration des médias Le plus important groupe, Media Prima, était autrefois la propriété de la United Malays National Organization (UMNO), le principal parti au pouvoir. Aujourd'hui encore, Media Prima est détenu en partie par la Malaysia Resources Corporation Berhad qui entretient des liens étroits avec le parti et le gouvernement. Media Prima regroupe le premier journal en langue anglaise The New Straits Times, le deuxième journal en langue malaise Berita Harian, le Maly Mail, le Harian Metro et le Shin Min Daily News. De plus, Media Prima possède quatre chaînes de télévision hertziennes.  Le groupe Sin Chew du magnat des affaires malais Tiong Hiew King contrôle déjà les quotidiens Sin Chew Daily et Guangming Daily. Alors que le Nanyang Siang Pau enregistre des pertes de 6 309 000 ringgits (1 369 000 euros), le groupe Sin Chew a racheté dernièrement 21% des actions du journal. Ces dernières années, le Nanyang Siang Pau était devenu, avec le China Press, l'organe de la Malaysian Chinese Association (MCA) qui fait partie de la coalition gouvernementale. La MCA, qui a vendu des parts à Tiong Hiew King, conserve 23 % des actions. Datuk Seri Ong Ka Ting, le nouveau président de la MCA, et Tiong sont très proches et ils détiennent à eux deux près de 45% du Nanyang Siang Pau. Son seul rival est le quotidien en langue chinoise Oriental Daily News détenu par l'entreprise de l'homme d'affaires défunt Lau Hui Kang. Malgré un lancement prometteur en 2003, la majeure partie de la rédaction a été renouvelée et pratique régulièrement l'autocensure sur l'actualité malaise. La diffusion de l'autre quotidien en chinois, Kwong Wah Yit Poh, est limitée aux Etats du nord du pays. La société de Tiong Hiew King, spécialisée dans le bois, l'a hissé parmi les 20 premières fortunes du Sud-Est asiatique. Il contrôle également à Hong Kong le quotidien Ming Pao et l'hebdomadaire Yazhou Zhoukan. Il a fait part de son intention de construire un empire mondial de la presse chinoise. Un arsenal juridique liberticide La loi sur les publications et la presse écrite de 1984 couvre aussi bien les livres et les journaux que les parutions étrangères. Elle laisse à la discrétion du ministère de la Sécurité Intérieure le pouvoir d'accorder ou de révoquer les licences de publication des journaux. La loi contre la sédition de 1948, héritée de l'époque coloniale britannique, est mal définie. Elle punit les "tendances séditieuses" comme "inciter à la haine ou au mépris du gouvernement, de l'administration ou de la justice", "provoquer le mécontentement entre les sujets, l'hostilité entre les races ou les classes", "remettre en cause les articles de la Constitution concernant la langue (...) et la souveraineté des gouvernants". De son côté, la loi des secrets officiels de 1972 frappe du sceau du secret un grand nombre de sujets liés à l'administration. Elle permet entre autres d'arrêter et de détenir sans mandat toute personne "suspectée d'avoir agi de manière attentatoire aux intérêts de la Malaisie" et "ce jusqu'à preuve du contraire". Enfin, la loi contre la diffamation a été utilisée pour poursuivre des journaux et des chaînes de télévision entre 2000 et 2001. Ces quatre lois permettent de museler la ligne éditoriale des médias sur l'actualité nationale et entretiennent une très forte autocensure.
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Updated on 20.01.2016