Hongrie : RSF dénonce une sanction disproportionnée contre une radio indépendante pour un motif banal

En refusant de renouveler la licence d’exploitation de Klubrádió pour des motifs administratifs, le Conseil hongrois des médias semble obéir aux ordres du parti au pouvoir. Reporters sans frontières (RSF) demande à la Commission européenne d’enquêter sur l’indépendance de cette autorité de régulation audiovisuelle.

Tout est bon pour faire taire les médias indépendants en Hongrie. Dans une lettre adressée à Klubrádió le 8 septembre dernier, que le média a montrée à RSF, le Conseil des médias explique de ne pas renouveler la licence d’exploitation de la dernière radio indépendante pour un motif banal. Sa licence expirera le 14 février 2021, parce qu’elle n’a pas “fourni des données mensuelles sur les quotas de programmation”. En 2015 et 2017, la radio aurait manqué à plusieurs reprises d’informer l’autorité sur le respect des quotas légaux qui stipulent les parts de la musique hongroise et internationale à diffuser. 


Klubrádió réfute les arguments avancés par le Conseil des médias qui affirme que cette “infraction répétée” à la loi sur les médias deux fois en une année est suffisamment grave pour constituer “une raison objective d’exclure le renouvellement”, d’autant qu'elle s'est chaque fois acquittée de la somme de 100 euros environ réclamée au titre de l'amende et qu’elle a respecté les quotas eux-mêmes. Dans le passé, une telle violation répétée n’a pas été une raison de la suspension des licences d’autres médias, ce qui constitue une discrimination de Klubrádió.


La radio, réputée pour sa critique libre et humoristique du gouvernement, avait déjà vu sa licence suspendue en 2013 avant qu’elle ne soit renouvelée en 2014 - sous la pression de ses auditeurs - pour sept ans, mais seulement sur le territoire de la capitale hongroise. Si la radio ne remporte pas le prochain appel d’offres pour sa fréquence, elle sera contrainte de passer de Budapest à…  internet.  


“En prenant une décision aux conséquences lourdes, mais sur une base juridique floue, le Conseil des médias agit comme s’il recevait ses ordres du parti au pouvoir, Fidesz, déclare Pavol Szalai, responsable du Bureau UE/Balkans à RSF. Le nouvel appel d’offres pour la fréquence de Klubrádió, que le Conseil va organiser, doit se tenir de manière transparente et apolitique. La Commission européenne, quant à elle, doit enquêter sur l’indépendance du Conseil des médias en vertu de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels révisée.”


Si l'indépendance du Conseil des médias hongrois avait été formellement garantie par la législation hongroise avant même la transposition de la directive européenne en 2019, sa composition, elle, s'avère politisée. Lors du renouvellement du Conseil en décembre dernier, le parlement a rejeté tous les candidats d’opposition et a élu, aux quatre postes libres, des candidats proches du Fidesz. 


La Hongrie se situe à la 89e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.

Publié le
Mise à jour le 24.09.2020