"Happy birthday, Mr Dictateur"

Le 21 février prochain, Robert Mugabe célèbrera ses 87 printemps. Nommé Premier ministre en 1980, il se hisse sur le trône présidentiel en 1987. Depuis, le vénérable est indélogeable. Le Zimbabwe indépendant, ancienne Rhodésie du Sud, subit son diktat depuis vingt-quatre ans. Et les journalistes n'ont qu'à bien se tenir ! Nul doute que "The old man", comme tout le monde le surnomme à Harare, fêtera une fois de plus l'occasion en grande pompe. Pendant que son peuple tire la langue, lui, se gave. Il faut dire que les occasions de faire la fête sont rares au Zimbabwe. Hyperinflation, pénurie alimentaire, chômage, sida dévastateur… Il est fini le temps où le pays était le "grenier à blé" de l'Afrique australe. Mais peu lui importe, lundi c'est son anniversaire. Comme un gosse, il n'a que cela en tête. Pendant que la presse d'Etat ne parlera que de l'anniversaire du Président, les titres indépendants continueront d'être bâillonnés. Ceux-ci s'efforcent de traiter de la question des droits de l'homme et de la situation économique et sociale du pays, mais ils s'exposent à de graves représailles. Législation liberticide, contrôle de l'Etat sur les médias publics, harcèlement de la presse privée, agressions de photojournalistes indépendants, arrestations arbitraires et détentions abusives, persécution systématique des défenseurs des droits de l'homme, et interrogatoires musclés de la part de la Central Intelligence Organisation (CIO, les services de renseignements) : tels sont les ingrédients de la censure et du musèlement de la liberté d'expression au Zimbabwe. Robert Mugabe est le plus vieux président du monde, ex æquo avec le roi saoudien Abdallah ben Abdelaziz Al Saoud et le président singapourien Sellapan Ramanathan, eux aussi champions de la liberté de la presse. Tout le monde ne vit pas aussi confortablement ses 87 ans. Le militant et journaliste chinois Sun Shucai, 87 ans lui aussi, en sait quelque chose. Réfugié à Bangkok depuis novembre 2006, enregistré au UNHCR, en possession d'un récépissé attestant de sa demande de protection onusienne, et en voie de réinstallation, il a pourtant été arrêté par les autorités thaïlandaises. Il est enfermé dans le centre de détention des services de l’immigration à Bangkok depuis décembre dernier . Joyeux anniversaire, Monsieur le prédateur, vous qui avez su faire chuter votre pays et l'installer durablement dans le dernier tiers du classement mondial de la liberté de la presse publié chaque année par notre organisation. Grâce à l'argent que votre Première Dame tire de trafics de diamants et grâce à votre fortune volée au peuple, nul doute que le festin en votre honneur sera savoureux. Votre peuple, lui, serrera les dents. Photo : AFP
Publié le
Updated on 20.01.2016