Reporters sans frontières se félicite de la libération inattendue du journaliste Hafnaoui Ghoul, détenu depuis six mois pour "diffamation" et victime d'un véritable acharnement judiciaire. L'organisation demande aux autorités algériennes de faire preuve de la même volonté d'ouverture et d'apaisement envers Mohammed Benchicou, le directeur du journal Le Matin et condamné à deux ans de prison.
Détenu depuis six mois pour " diffamation ", Hafnaoui Ghoul, correspondant du quotidien El-Youm à Djelfa (270 km au sud d'Alger) et responsable du bureau régional de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), a bénéficié, le 25 novembre 2004, d'une mise en liberté provisoire.
" Nous nous félicitons de cette libération inattendue, a déclaré Reporters sans frontières. Hafnaoui Ghoul a pu retrouver sa famille après avoir été injustement incarcéré pendant six longs et pénibles mois. Cette bonne nouvelle doit maintenant être confirmée par l'abandon de toutes les poursuites judiciaires engagées contre le journaliste afin de mettre un point final à la cabale judiciaire dont il a été victime ."
" Nous espérons que la libération d'Hafnaoui Ghoul est un signe d'apaisement général des relations extrêmement houleuses entre le pouvoir et la presse privée, a ajouté Reporters sans frontières. Les journalistes algériens poursuivis pour diffamation ne devraient plus avoir à craindre des peines de prison, cette épée de Damoclès contraire aux standards internationaux sur la liberté de la presse. Nous demandons aux autorités algériennes de faire preuve de la même attitude d'ouverture envers le directeur du journal Le Matin, Mohammed Benchicou, condamné à deux ans de prison. "
Joint au téléphone par Reporters sans frontières, Hafnaoui Ghoul a déclaré : " Je suis très content de cet aboutissement mais cela ne signifie pas l'arrêt du combat pour la liberté de la presse et les droits de l'homme." Le journaliste a qualifié cette libération de " surprise ". Celle-ci est intervenue après une visite du président algérien Abdelaziz Bouteflika dans la ville de Djelfa, à l'occasion de la campagne de destruction des derniers stocks de mines antipersonnel du pays.
Le 24 novembre, Hafnaoui Ghoul avait été transféré de la prison de Ouargla à celle de Djelfa, puis libéré le lendemain sans aucune explication. Deux jours auparavant, encouragé par les autorités pénitentiaires, Hafnaoui Ghoul avait fait une demande de mise en liberté provisoire. Celle a été accordée dans les 48 heures qui ont suivi. Le journaliste doit maintenant attendre que la Cour suprême examine les recours en appel introduits par ses avocats.
Un acharnement judiciaire
Hafnaoui Ghoul a été interpellé le 24 mai 2004 par des policiers en civil à la sortie de son domicile et placé sous mandat de dépôt dans le cadre d'une plainte en diffamation émanant du préfet de Djelfa. Le
26 mai, au terme d'un procès expéditif, il a été condamné à une peine de six mois de prison ferme et à 50 000 dinars (environs 600 euros) d'amende. Il avait révélé, entre autres, l'affaire des 13 bébés retrouvés morts à l'hôpital de Djelfa, et différents abus de pouvoir présumés du préfet local.
Dans une autre affaire, le tribunal a aggravé sa peine en appel,
le 11 juillet 2004, portée à trois mois d'emprisonnement et
100 000 dinars d'amende.
Puis, c'est pour un article paru dans le quotidien arabophone El Djazaïr News, le 23 mai dernier, et jugé "diffamatoire" par 14 plaignants, qu'Hafnaoui Ghoul été condamné, le 8 août 2004, à trois mois de prison ferme et à verser une amende de 50 000 dinars (environ 570 euros) et 1 million de dinars (environ 11 140 euros) de dommages et intérêts. Dans cet article, le journaliste dénonçait la mauvaise gestion de la wilaya (province) et la corruption qui y règne.
La cour d'appel de Djelfa a ensuite confirmé, le 29 août 2004, la condamnation du journaliste à deux mois de prison ferme et 2 000 dinars d'amende (23 euros) pour avoir fait parvenir une lettre à sa fille en dehors des voies prévues par le règlement de la prison.
Au total, près d'une vingtaine de plaintes pour diffamation ont été déposées à son encontre, par des personnalités locales et différentes administrations. Hafnaoui Ghoul avait mené une grève de la faim de quinze jours, arrêtée pour raisons de santé, en août dernier pour protester contre l'acharnement judiciaire dont il était victime. .
Le directeur du quotidien Le Matin, Mohammed Benchicou, purge depuis le 14 juin une peine de deux ans de prison ferme pour " infraction à la loi régissant le contrôle des changes et les mouvements de capitaux " à la suite de la découverte de bons de caisse dans ses bagages à l'aéroport d'Alger, en août 2003. Cette peine avait été confirmée en août.
Lors de l'élection présidentielle d'avril 2004, le journal Le Matin avait fait campagne contre le président-candidat Bouteflika. En février 2004, Mohammed Benchicou avait publié un pamphlet très virulent à l'encontre du président algérien intitulé " Bouteflika, une imposture algérienne ".