Le 25 juillet, cela fera cent jours que le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer n'a plus donné de nouvelles. Reporters sans frontières dénonce de nouveaux blocages dans l'enquête, au moment où un membre du gouvernement est impliqué par le principal témoin dans cette affaire.
Le 25 juillet, cela fera cent jours que le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer n'a plus donné de nouvelles. L'enquête, menée conjointement par les autorités judiciaires française et ivoirienne, progresse malgré la mauvaise volonté du pouvoir à Abidjan.
Selon les informations recueillies par Reporters sans frontières, Michel Legré, beau-frère de Mme Simone Gbagbo et dernière personne à avoir vu Guy-André Kieffer avant sa disparition, a mis en cause, lors d'une audition par le juge français Patrick Ramaël, le ministre de l'Economie et des Finances, Paul-Antoine Bohoun Bouabré. Ce dernier lui aurait personnellement remis une enveloppe contenant un million de francs CFA (environ 1 500 euros) vers 16 heures le 16 avril, soit quelques heures à peine après l'enlèvement du journaliste.
Par ailleurs, le juge d'instruction a pu établir que Michel Legré, actuellement détenu à la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan dans le cadre de ce dossier, était revenu sur les lieux de l'enlèvement quelques heures après les faits et s'était rendu à l'aéroport d'Abidjan, dans la soirée du 16 avril. La voiture du journaliste avait été retrouvée sur le parking de l'aéroport trois semaines plus tard.
Patrick Ramaël s'est plaint auprès du juge d'instruction ivoirien, Koffi Kouadio, de la mauvaise volonté des autorités dans cette enquête. Le juge français n'a pas pu interroger deux militaires cités par Michel Legré, sous prétexte que leur hiérarchie ne pouvait pas les localiser. De plus, Anselme Seka Yapo, le responsable de la sécurité de Mme Gbagbo, et Bertin Gahié Kadet, conseiller à la présidence chargé des affaires de Défense, ont refusé de se soumettre aux convocations du magistrat.
Reporters sans frontières dénonce ces blocages dans l'enquête. "Les autorités continuent à tout faire pour que la lumière ne soit jamais faite sur cette affaire. L'impunité reste malheureusement la règle dans le pays. Le gouvernement avait promis à la famille du journaliste que toutes les personnes concernées pourraient être interrogées. Aujourd'hui, force est de constater qu'il s'agissait seulement d'un effet d'annonce destiné à rassurer la communauté internationale. Les autorités ivoiriennes ne respectent par leurs propres engagements", a déclaré l'organisation.
Patrick Ramaël a indiqué qu'il souhaitait se rendre une troisième fois en Côte d'Ivoire début septembre. Il doit envoyer prochainement aux autorités ivoiriennes une nouvelle demande de commission rogatoire internationale.
Il a également procédé à l'examen de l'ordinateur du journaliste, remis aux autorités par Michel Legré. La machine de Guy-André Kieffer a été allumée quelques minutes après son enlèvement et plusieurs fichiers ont été ouverts. Son téléphone portable a également été utilisé pour consulter sa messagerie. Ces éléments confortent la thèse selon laquelle le journaliste a bien été enlevé pour ses activités professionnelles.
Guy-André Kieffer, journaliste indépendant franco-canadien basé à Abidjan, en Côte d'Ivoire, a disparu depuis le vendredi 16 avril 2004. Il a été vu pour la dernière fois vers 13 heures dans un centre commercial de la capitale. Agé de 54 ans, marié et père de deux enfants, le journaliste s'est spécialisé dans les matières premières ainsi que les affaires économiques et financières. Il a travaillé pour le quotidien économique français La Tribune de 1984 au début de l'année 2002. Installé à Abidjan depuis cette date, Guy-André Kieffer travaillait comme journaliste indépendant, et collaborait à La Lettre du Continent et plusieurs journaux ivoiriens.
Le site du comité de soutien "Vérité pour Guy-André Kieffer