Guinée équatoriale : un journal saisi pour avoir évoqué les pressions des autorités sur la presse

Reporters sans frontières (RSF) dénonce la saisie du journal Ebano et les intimidations généralisées contre les journalistes en Guinée équatoriale. L’organisation appelle le gouvernement à cesser les pressions sur les médias, et à sensibiliser les forces de sécurité au libre exercice du métier de journaliste.

Le 1er août 2017, les autorités équato-guinéennes ont donné l’ordre de retirer de la vente et de brûler tous les exemplaires de l’hebdomadaire gouvernemental Ebano. L’article incriminé traitait des pressions gouvernementales exercées contre la presse et les journalistes en Guinée équatoriale.


Dans une interview au journal, le journaliste indépendant Samuel Obiang Mbana, correspondant de l'Agence France-Presse (AFP), d’Africa n°1 et de la radio allemande Deutsche Welle (DW) dénoncait le manque de respect accordé à la profession par les forces de sécurité. Il demandait au gouvernement de sensibiliser ces dernières sur le rôle de la presse et la nécessité de laisser travailler les journalistes.


Samuel Obiang Mbana y détaillait notamment sa dernière altercation avec les forces de sécurité lors d’un meeting politique quelques jours auparavant. Un policier en civil lui a alors confisqué, ainsi qu’à un journaliste du El Lector, la carte mémoire de leurs appareils photos et les a embarqués vers le ministère de la Sécurité où ils ont ensuite été relâchés.


“ C’est une violation manifeste du droit d’accès à l’information, dénonce Cléa Kahn-Sriber responsable du bureau Afrique de RSF. L’essentiel du pays, à part la capitale insulaire Malabo, est coupé d’une information libre et accessible. Les journalistes sont traqués et menacés. La censure sur internet est réelle. Nous appelons les autorités équato-guinéennes à laisser les journalistes travailler librement, d’autant plus qu’approchent les élections législatives de décembre 2017.”



Un journaliste fréquemment pris à parti par les forces de sécurité


Selon les informations recueillies par RSF, Samuel Obiang Mbana s’était déjà fait interdire l’accès à une conférence de presse donnée par le ministre de l’Intérieur, le 26 juillet dernier, au prétexte que “son excellence avait dit qu’il ne voulait pas d’Africa n°1”.


Samuel Obiang Mbana, comme le rappelle l’article, a été inquiété plus de six fois par les autorités au cours des dernières années, et fréquemment arrêté, dans l’exercice de sa mission. En mars 2016, il a par exemple été arrêté à Malabo, et retenu pendant 8h au commissariat central, parce qu’il couvrait la violente répression d'une manifestation étudiante par la police. Ni son matériel, ni ses images de l'événement ne lui ont été restitués.


Rappelons que le pays est depuis 1979 sous la coupe du président Teodoro Obiang Nguema, réélu sans surprise en avril 2016. Ce dernier cherche à imposer un contrôle absolu sur la population civile, et sur la presse. Les médias indépendants sont très peu nombreux en Guinée équatoriale et fréquemment entravés dans leur travail, les journalistes peuvent même être arrêtés et détenus sans charges. La censure est permanente afin de faire taire toute voix critique au régime, dont les reporters étrangers, souvent interdits de visa, ou reconduits manu militari à la frontière.


Le pays a encore perdu trois places l’année dernière au Classement mondial de la liberté de la presse, établi par RSF en 2017. Il est désormais à la 171 place sur 180 pays.

Publié le
Mise à jour le 04.08.2017