Guatemala : le nouveau président Bernardo Arévalo doit agir rapidement pour mettre un terme à la criminalisation du journalisme

À la suite de son investiture à la présidence du Guatemala, le 14 janvier dernier, Bernardo Arévalo se trouve face à une série de défis en matière de liberté de la presse, qui constituent un test clé pour le nouveau gouvernement. Bien qu’il soit précédé d’une réputation de réformateur, il reste à voir quelles mesures Bernardo Arévalo prendra pour mettre fin à la criminalisation du journalisme au Guatemala, notamment dans l’affaire très médiatisée du rédacteur en chef d’elPeriódico Jose Rubén Zamora, qui doit être rejugé en février.

Après plus de quatre mois de tensions internes et de menaces visant à compromettre les résultats de l’élection démocratique, Bernardo Arévalo a finalement prêté serment en tant que président du Guatemala le dimanche 14 janvier. Dans un climat d’instabilité, qui se poursuit avec les procès intentés contre son parti par des groupes politiques vaincus en collusion avec le pouvoir judiciaire, Bernardo Arévalo devra relever de nombreux défis pour réinstituer un climat propice à la liberté de la presse. L’un des principaux tests de son nouveau gouvernement sera de mettre fin à la persécution et à la criminalisation des journalistes et des médias critiques à l’égard des hautes sphères du pouvoir.

« Alors que le nouveau président Bernardo Arévalo n’a pas de pouvoir direct sur le ministère public et la justice, il sait que son arrivée au pouvoir est déterminante pour la reconstruction d’un climat de la liberté de la presse renforcé. Il est impératif que l’appareil policier et les organes exécutifs cessent de persécuter les journalistes, et que les autorités guatémaltèques libèrent sans délai le directeur de publication d’elPeriódico Jose Rubén Zamora, dont le nouveau procès est prévu le 5 février prochain.

 

Artur Romeu
Directeur du bureau Amérique latine de RSF

Briser le climat de peur pour les journalistes

Résultat d’un processus de cooptation de l’État par différents groupes politiques, militaires et économiques – parfois liés à des organisations criminelles –, les institutions démocratiques et l’État de droit ont, ces dernières années, été démantelés au Guatemala. Il en résulte un dispositif institutionnel au service de l’impunité et de la corruption, comme l’a montré la mission menée par RSF et 10 organisations partenaires dans le pays en 2023.

Des douzaines de journalistes ayant couvert des affaires de corruption, d’attaques contre l’environnement et les droits des peuples indigènes, et même ceux ayant suivi les procès contre des juges et d’autres professionnels des médias ont été criminalisés et poursuivis, comme ce fut le cas du fondateur et du rédacteur en chef d’elPeriódico, Jose Rubén Zamora, injustement accusé de blanchiment d’argent et toujours sous les verrous. Il a été arrêté le 29 juillet 2022, cinq jours après la publication par elPériódico d’informations sur des cas de corruption impliquant des personnes proches du président Alejandro Giammattei. Victime de harcèlement judiciaire, Jose Rubén Zamora a été condamné en juin 2023 à six ans de prison pour des accusations montées de toutes pièces.

Sous l’égide de la Procureure générale María Consuelo Porras Argueta, qui restera en fonction jusqu’en 2026, des juges, des avocats, des procureurs et des journalistes ont perdu leur liberté ou ont été contraints de quitter le pays pour éviter d’être arrêtés. Des centaines d’enquêtes criminelles ont été ouvertes pour allégations d’« obstruction à la justice » par ces journalistes.

Nombre de ces journalistes n’ont pas les moyens financiers de payer des avocats et ont été contraints à l’exil pour des raisons de sécurité. Parmi ceux-ci, Juan Luis Font, qui couvrait pour différents médias des allégations de corruption contre un ancien ministre de la communication, qui l’a accusé de chantage et d’association criminelle. Les journalistes du média numérique Vox Populi Sonny Figueroa et Marvin del Cid ont quitté le pays fin 2023 après avoir été continuellement agressés sur les réseaux sociaux et menacés de poursuites. Ils avaient publié un article sur l’enrichissement illicite de l’un des amis de l’ex-président Alejandro Giammattei.

La révision attendue de la position gouvernementale par Bernardo Arévalo sur le nouveau procès de Jose Rubén Zamora, le 5 février prochain, ainsi que d’autres affaires en cours contre la presse, se révélera être une étape cruciale pour recadrer ces affaires et inverser les dangereuses tendances actées par la précédente administration.

Le Guatemala occupe la 127e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établie par RSF en 2023.

Signez la pétition de RSF pour la libération immédiate de Jose Rubén Zamora!

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