Grèce : le virage à 180 degrés du Premier ministre en faveur d'un groupe de presse hostile

Le Premier ministre grec Alexis Tsipras qui accusait encore récemment le groupe de presse DOL de collusion d’intérêts et de désinformation vole finalement à son secours afin de préserver, dit-il des centaines d’emplois menacés par la faillite du groupe.  Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète de cette volte-face du chef du gouvernement et s’interroge sur son choix de soutenir un secteur qu’il a si souvent critiqué.

Le revirement soudain du Premier ministre Alexis Tsipras mercredi 18 janvier 2017 et sa volonté de sauver un titre qualifié “d’historique” en nommant comme nouvel administrateur du groupe de presse DOL, Vassilis Moulopoulos, étonnent les partis de l'opposition et les autres médias, dont certains sont également très endettés. Tous y voient une tentative d'appropriation de ce “média historique” par le gouvernement car Vassilis Moulopoulos est un proche d’Alexis Tsipras, un ancien député de Syriza, et un membre du conseil d'administration du journal du parti, «AVGI ».


RSF s’inquiète de ce qui semble être une nouvelle atteinte du Premier ministre grec à l’indépendance et au pluralisme des médias. RSF surveille les agissements du gouvernement qui devrait s’employer à garantir le pluralisme et la liberté de la presse et pas seulement à la contrôler,” déclare Pauline Adès-Mével, responsable du bureau UE-Balkans de RSF.


L’histoire du groupe de presse DOL est étroitement liée au pouvoir en place. Ce groupe fondé par Christos Lambrakis (un magnat de la presse grecque décédé en 2009) est désormais contrôlé par l’homme d’affaires Stavros Psycharis. Jusqu'à présent, les deux titres phares du groupe Ta Vima et Ta Nea, survivaient grâce à des prêts bancaires accordés avec l’aval des dirigeants en place et par des campagnes de publicité commandées par le gouvernement. Mais six ans de crise économique profonde ont révélé au grand jour la très grande fragilité de ces titres surendettés (à hauteur de 190 millions d’euros) auxquels le gouvernement n’était plus en mesure d’octroyer des prêts et dont il ne pouvait effacer les dettes.


Le groupe DOL qui comprend plusieurs quotidiens mais aussi la radio Vima FM et des parts dans la chaîne MEGA, compte près de 600 employés, qui sont tous aujourd’hui menacés de perdre leur emploi. Les employés du groupe n’ont plus touché de salaires depuis plusieurs mois mais continuent pourtant d’assurer leur travail en espérant sortir DOL de l’impasse avec un nouvel investisseur. DOL est aujourd’hui au bord de la faillite, son propriétaire Stavros Psycharis est accusé par la justice d'évasion fiscale et de blanchiment d'argent à hauteur de 45 millions d’euros.


Le groupe de presse s'est opposé à la politique du gouvernement d’Alexis Tsipras depuis sa première élection en 2015. Les médias To Vima et Ta Nea ont ouvertement défendu les campagnes en faveur de l’austérité et critiqué Syriza, la Coalition de la gauche radicale dirigée par le Premier ministre. Les accusations mutuelles entre le propriétaire et le Premier ministre ont maintes fois fait la une des journaux.


Le nouvel administrateur, Vassilis Moulopoulos, reconnaît qu'il n'est pas investisseur mais explique qu’il voudrait sauver DOL au nom des 20 années passées dans le groupe, notamment en tant que rédacteur en chef. Il avoue qu'à défaut d'argent, les solutions «seront à trouver auprès des forces politiques».


En septembre dernier déjà, la nouvelle loi sur le paysage audiovisuel grec et la vente aux enchères de licences TV avaient suscité des critiques de la part des médias et de l’opposition à l’égard du Premier ministre qui lui reprochaient outre des atteintes au pluralisme, son amateurisme et une volonté « d'instaurer son propre système oligarchique”.


La Grèce occupe la 89ème place, sur 180 pays, au Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF).

Publié le
Mise à jour le 26.01.2017