Les journalistes étrangers ne sont décidément pas les bienvenus dans le sud-est de la Turquie, où les affrontements entre les forces de l’ordre et les rebelles kurdes du PKK
gagnent chaque jour en intensité.
Frederike Geerdink a été
interpellée le 6 septembre dans le district de Yüksekova (province de Hakkari, non loin de la frontière iranienne). Elle couvrait les activités d’un groupe de militants kurdes qui servaient de boucliers humains face aux bombardements turcs, et qui ont également été arrêtés. Officiellement, la journaliste était “entrée sans autorisation dans une zone interdite” du fait des combats. Un officiel turc a même
déclaré à Reuters qu’elle avait été interpellée “pour sa propre sécurité”.
“Quelques jours après l’arrestation de trois journalistes de VICE News
, celle de Frederike Geerdink envoie un nouveau signal d’intimidation intolérable à la presse étrangère, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’est et Asie centrale de RSF.
La journaliste néerlandaise travaille depuis des années dans la région et sa couverture de la question kurde fait autorité. Nous appelons les autorités à la remettre en liberté immédiatement et à la laisser poursuivre ses activités en Turquie.”
Installée en Turquie depuis 2006, Frederike Geerdink est la seule journaliste étrangère basée à Diyarbakir, la plus grande ville du sud-est anatolien. Elle est l’auteur d’un livre et de nombreux articles consacrés à la question kurde, notamment sur le site
Diken et sur son blog, “
Kurdish Matters”. La journaliste avait déjà été brièvement interpellée en janvier, accusée de faire la “propagande du PKK”. En avril, RSF avait
assisté à son procès, qui s’était soldé par son acquittement. Mais le parquet de Diyarbakir a fait appel de cet acquittement, si bien que la journaliste risque toujours jusqu’à sept ans et demi de prison.
L’interpellation de Frederike Geerdink intervient quelques jours après le
placement en détention provisoire de trois journalistes de
VICE News qui couvraient la situation dans le sud-est anatolien. Si les reporters britanniques
Jake Hanrahan et
Philip Pendlebury ont finalement été libérés le 3 septembre, leur collègue irakien,
Mohammed Ismaël Rasoul, est
toujours en prison.
Les violations de la liberté de l’information
se multiplient depuis le lancement par Ankara, fin juillet, d’une “guerre contre le terrorisme” visant essentiellement le PKK, parti kurde interdit en Turquie. Le processus de paix entre les autorités et les rebelles kurdes, engagé fin 2012, a volé en éclats, et le bilan humain ne cesse de s’alourdir. La Turquie occupe la 149e place sur 180 au
Classement mondial 2015 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
(Photo: Ilyas Akengin / AFP)