Fermeture de la radio Horseed Media : lettre ouverte de Reporters sans frontières au Président du Puntland

Le 15 octobre 2012, Reporters sans frontières a adressé une lettre ouverte au Président de la région semi-autonome du Puntland (nord-est de la Somalie) pour lui demander des explications quant à la fermeture de la radio Horseed Media. Depuis le 6 octobre 2012, Horseed Media fait l'objet d'une interdiction d'émettre et l'accès à son site Internet a été bloqué dans certaines villes de la région. Signifiée par la police, cette décision administrative est d'une opacité révélant clairement son caractère politique et son absence de motivation juridique. Le chef de la police régionale, le colonel Osman Afdalow, a reconnu avoir donné l'ordre de fermer la radio en remettant une lettre non signée et non timbrée aux dirigeants de Horseed Media, alors qu'une telle décision relève normalement du ministère de l'Information et du bureau du Président, qui affirment ne pas avoir en avoir eu connaissance. L'unique explication donnée pour justifier cette mesure est une accusation portée à l'encontre de Horseed Media pour "propagation de fausse nouvelles" afin de "déstabiliser la paix et la sécurité du Puntland". Il semblerait que ces allégations trouvent leurs origines dans une série d'émissions critiques envers le gouvernement diffusées en septembre 2012 par Horseed Media. La radio avait alors évoqué la possibilité que le président Abdirhaman Farole veuille décaler d'un an les élections prévues en janvier 2013, et avait couvert des manifestations de protestation. Le chef de l'Etat avait alors affirmé qu'il ne tolérerait pas que des "politiciens déchus et des soi-disant sites Internet et médias" menacent sa politique. Abdiwali Hassan Gooni, coordinateur de l'Union nationale des journalistes de Somalie (NUSOJ), association partenaire de Reporters sans frontières, a déclaré : "L'administration du Puntland doit mettre fin au harcèlement et aux menaces contre les journalistes de la régions. Plus de 50 d'entre eux, craignant pour leurs vies, ont fui le Puntland depuis l'élection du président Farole en 2009". La Somalie est le pays le plus meurtrier d'Afrique pour les journalistes : quinze d'entre eux ont trouvé la mort en raison de leur activité professionnelle au cours de l'année 2012, dont 7 pendant le seul mois de septembre. Le pays est classé 164e sur 179 au classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2011-2012.

----- A l'attention de Monsieur Abdirahman Farole
Président du Puntland,
Garowe – Puntland


Paris, le 15 octobre 2012

Monsieur le Président, Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté d’information, vous demande de faire tout votre possible pour pourvoir à la réouverture de la radio Horseed Media. Horseed Media a été fermée par la police le 6 octobre 2012, et l'accès à son site Internet est bloqué dans le ville de Garowe. La police a assuré avoir reçu l'ordre de fermer la station du ministère de l'Information, qui affirme quant à lui ne rien savoir à ce propos. D'après nos informations, le colonel Osman Afdalow, chef de la police régionale, a remis aux dirigeants de Horseed Media une lettre sans signature et ne fournissant aucune explication tangible quant aux motifs d'une telle décision. Reporters sans frontières espère que vos services sauront faire la lumière sur l'origine réelle de l'ordre de fermeture de Horseed Media, et, au vu de l'absence d'explication judiciaire à l'appui de cette décision, autoriseront la réouverture de la radio. Reporters sans frontières s'inquiète également de vos propos du 24 septembre 2012 menaçant les journalistes d'opposition en les assimilant à des "terroristes" et des "pirates". Ces déclarations résonnent de façon singulière dans le contexte menaçant auquel font face les médias du Puntland. Elles pourraient être interprétées comme un blanc-seing par les responsables d'actes de censure infligés aux médias et par les auteurs de menaces et d'agressions contre les journalistes. Loin de représenter une menace pour votre gouvernement, la liberté de l'information est un élément central du développement d'un pays, et une obligation légale envers la communauté internationale. Reporters sans frontières vous demande de pacifier vos relations avec les médias afin de garantir aux journalistes la liberté professionnelle à laquelle ils ont droit, et d'assurer ces derniers que leur sécurité personnelle ne sera jamais mise en danger impunément. La réouverture de Horseed Media constituerait un geste fort en ce sens de votre part. En vous remerciant de l’attention que vous porterez à notre demande, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération. Christophe Deloire,
Directeur Général de Reporters sans frontières
Publié le
Updated on 20.01.2016