Evolutions encourageantes dans le procès des assassins présumés de Hrant Dink
Organisation :
Le 7 février 2011, la 16e audience du procès des dix-neuf accusés du meurtre du journaliste Hrant Dink s’est tenue à la cour d’assises d’Istanbul. Reporters sans frontières salue les avancées dans la poursuite des responsables de ce crime, annoncées par la cour. L’organisation, à l’instar de l’Union européenne et des avocats des barreaux de Paris et de Bruxelles, restera attentive au déroulement des prochaines audiences et à ce que toutes les personnes impliquées dans cet assassinat soient enfin jugées.
Bien que l’affaire n’ait pas beaucoup avancé, cette audience pourrait marquer un tournant dans le procès des assassins présumés de Hrant Dink. Une enquête préliminaire à l’encontre de trente hauts fonctionnaires émanant des polices d’Istanbul et de Trabzon, ainsi que des services des renseignements vient en effet d’être ouverte.
Nous espérons que ce premier pas sera suivi d’autres progrès. L’affaire piétine depuis quatre ans. Le procès ne pourra trouver une issue positive que si les obstacles politiques sont levés, et les complices des assassins jugés, quels que soient leur rang.
En dépit des dénégations du ministre de l’Interieur, l’avocat de la famille Dink a confirmé à Reporters sans frontières que Muammer Güler, Celalettin Cerrah, Ahmet Ilhan Güler et Ramazan Akyürek - respectivement préfet, chef de police, chef des renseignements d’Istanbul et ancien chef de la police de Trabzon - faisaient l’objet d’une enquête. Il est cependant regrettable que la cour ait encore rejeté la fusion du dossier d’Istanbul avec celui de Trabzon, dans lequel le colonel Ali Öz, chef de la gendarmerie de Trabzon, est accusé de “négligence dans ses fonctions” pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour contrecarrer l’assassinat du journaliste. Au lendemain de la 16e audience, le ministre Besir Atalay a démenti l’ouverture d’une enquête contre ses subordonnés, déclarant : "il y a une plainte mais pas d’enquête en cours pour le moment". Cette déclaration atteste que toutes les volontés politiques sont loin d’être réunies.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait condamné la Turquie, le 14 septembre 2010, pour atteinte au droit à la vie, à la liberté d’expression et à un recours effectif. Cette décision a été confirmée le 14 décembre 2010. Le gouvernement turc n’a pas fait appel, ce qui constitue une forme d’approbation tacite.
De plus, le tribunal administratif d’Istanbul a récemment condamné le ministère de l’Intérieur à verser des dommages et intérêts aux deux frères de Hrant Dink, pour les « graves défaillances » dont ont fait preuve les forces de l’ordre.
Le 17 janvier 2011, suite à l’arrêt définitif de la CEDH, les avocats de la famille Dink avaient saisi de nouveau le parquet d’Istanbul, pour que tous les fonctionnaires coupables de n’avoir pris aucune mesure pour sauver le journaliste, soient traduits en justice. Dans une pétition transmise au tribunal, ils réclamaient également que les manquements dénoncés par la CEDH soient pris en compte dans le procès et que les responsabilités soient établies, comme l’exige l’arrêt.
Une mission d’observation judiciaire organisée par le barreau de Paris et composée de Mme Canu-Bernard, membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris, de Mlle Erfi, secrétaire du Conseil et de M. Aslanian, vice-président de l’Association française des avocats et des juristes arméniens (AFAJA), a assisté à l’audience. Le barreau de Bruxelles était représenté en la personne d’Yves Oschinsky, ancien bâtonnier de Bruxelles. Hélène Flautre, co-présidente de la commission parlementaire mixte Union européenne-Turquie, Ali Yurttagül, conseiller du groupe des Verts au Parlement européen, et Sema Kiliçer, conseillère des affaires politiques de la délégation Turquie-Union européenne, faisaient également partie des observateurs du procès.
Une lettre à l’initiative des avocats du Barreau de Paris et de Bruxelles, signée par Reporters sans frontières, était parue Le Monde du 20 janvier 2011, pour réclamer que justice soit rendue à Hrant Dink.
Le tribunal attend toujours le rapport de l’Institut de recherche scientifique TÜBITAK, censé établir si les enregistrements des caméras de la Akbank (banque à proximité des locaux d’Agos, devant lesquels Hrant Dink a été abattu), effaçés volontairement après le meurtre, peuvent être ou non restaurés. Une dizaine de personnes, devant être auditionnées comme témoins du meurtre, ont été convoquées. Le parquet a également mis en garde les services de police, précisant que si des agents manquaient à leur devoir d’investigation, ils seraient traduits en justice. Il a été décidé qu’Erhan Tuncel et Yasin Hayal, deux des principaux accusés, seraient maintenus en détention.
La prochaine audience aura lieu le 28 mars prochain.
Par ailleurs, le procès du tireur présumé, Ogün Samast, mineur au moment des faits, commencera le 28 février prochain devant la cour d’assises pour enfants d’Istanbul, où son dossier a été transféré le 25 octobre 2010.
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Updated on
20.01.2016