Entre peines de prison ferme et exactions, la liberté de la presse mise à mal
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Un blogueur condamné à six mois de prison ferme par une cour martiale
Reporters sans frontières dénonce la condamnation à six mois de prison du blogueur Ahmed Hassan Basiouny, jugé le 29 novembre dernier devant un tribunal militaire. Ahmed Hassan Basiouny est accusé d’avoir “diffusé des informations classées secret défense via Internet” et d’avoir “publié des informations liées aux forces armées de l’Egypte” sur un site web intitulé “Enrôlement et recrutement en Egypte et réponses aux questions des jeunes postulants” (Packing and Recruitment Management in Egypt and Answering Questions of Youth Applying to the Recruitment). Il avait en réalité créé une page Facebook en 2009 pour fournir des conseils et des informations sur le recrutement dans l’armée égyptienne.
Législatives 2010 : un avant-goût de la présidentielle de 2011?
Pendant la période précédant la tenue du premier tour des élections législatives le 28 novembre, les autorités égyptiennes ont déployé tout un arsenal de mesures et de pratiques visant à faire taire toutes les voix dissidentes et à renforcer leur contrôle sur les médias. Une telle attitude est contraire à la volonté affichée par les responsables du régime d’organiser des élections libres et transparentes.
Intimidations de journalistes et détentions arbitraires
Reporters sans frontières demande la libération immédiate du journaliste Attia Mohamed Mahmoud Abu-l-Ela, free-lance auprès du bureau international d’Al-Jazeera au Caire, arrêté le 21 novembre 2010 à son domicile, dans le village d'El-Salaam (province d’Al-Sharqiya).
La police a confisqué l’ordinateur du journaliste ainsi que de nombreux livres. Les policiers auraient également trouvé un sabre… qui n’appartenait pas visiblement au journaliste. Attia Mohamed Mahmoud Abu-l-Ela venait de couvrir les violences commises par la police et les partisans du Parti national démocrate (PND), à l’encontre de leaders politiques de l’opposition et de leurs militants lors d’un meeting électoral tenu dans la province d’Al-Sharqiya (v. article).
Transféré à la direction de la sécurité de la province d’Al-Sharqiya, Attia Mohamed Mahmoud Abu-l-Ela a été présenté, le 25 novembre dernier, devant le procureur de Bilbis (province d’Al-Sharqiya). Poursuivi pour « appartenance à une organisation illégale » (les Frères musulmans), de « diffusion de fausses informations en vue de troubler la paix et l’ordre public » et « actes de violences à l’encontre d’autres citoyens », le procureur a décidé de prolonger la détention du journaliste pour une durée de quinze jours supplémentaires, officiellement pour les besoins de l’enquête. Il est actuellement détenu au commissariat de Biblis, où d’autres les informations recueillies par Reporters sans frontières, il aurait subi de mauvais traitements. Il n’a toujours pas pu s’entretenir avec un avocat.
Correspondant à Alexandrie pour le journal en ligne Al-Badil, Youssef Shaaban a finalement été libéré le 29 novembre 2010. Arrêté le 20 novembre alors qu’il couvrait une manifestation, il a été accusé de trafic de drogues par les services de renseignements. Journaliste connu pour son engagement en faveur de la défense des droits de l'homme et ses articles critiques contre les responsables politiques locaux et nationaux, Youssef Shaaban a été détenu au commissariat de Raml II, avant de voir sa détention prolongée de quinze jours par le procureur général, le 24 novembre. Toutefois, le 26 novembre, l’ordre est venu du bureau de l’assistant du procureur de le libérer sur-le-champ. Il a dû attendre 48 heures avant de recouvrer sa liberté. Le premier tour des législatives était passé (v. article).
Alors qu’il couvrait une manifestation dans le quartier d'Imbaba pour le quotidien Al-Masry Al-Youm, le journaliste Mostafa Bahgat a été arrêté par la police, le 27 novembre, veille du scrutin, et détenu pendant plusieurs heures au commissariat de Giza. Il semblerait que les autorités aient gardé un fâcheux souvenir des vidéos réalisées par le journaliste suite aux législatives de 2005, qui montraient les violences policières à l'encontre de militants de l'opposition et de journalistes. Quatorze personnes avaient trouvé la mort dans les affrontements avec les forces de l'ordre.
Reporters sans frontières rappelle que le reporter pour l’édition en langue anglaise du quotidien Al-Masry Al-Youm, Ashraf Khalil, a été inquiété par les services de police alors qu’il venait de réaliser, le 22 novembre dernier, une interview de Mohammed Beltagui, candidat des Frères musulmans à sa propre succession au siège de député pour la circonscription de Shubra Al-Kheima, au nord du Caire. Ashraf Khalil a été interpellé avec une consœur par les forces de police, alors qu'il quittait le quartier (lire son témoignage).
Une campagne liberticide lancée par les autorités, mais jugée illégale par les juges
Le 11 octobre 2010, les autorités s’étaient lancées dans une campagne de contrôle des SMS. Les entreprises recourant à des envois massifs de SMS devaient, avec ces nouvelles dispositions, obtenir une autorisation auprès de l’Autorité de régulation des télécommunications. Les fournisseurs de contenus – partis politiques ou services d’informations par exemple – devaient faire de même et s’acquitter d’une licence dont le prix s’élevait à près de 88 000 dollars.
Peu de temps avant le premier tour des législatives, le tribunal administratif a annulé cette décision du ministère de la Communication. De manière générale, de tels jugements qui viennent annuler les mesures prises et mises en place par le gouvernement ne sont pas suivis d’effet. Alors que le second tour des élections doit se tenir le 5 décembre prochain, le ministère de la Communication a annoncé vouloir attendre une copie du verdict avant de modifier certaines conditions pour avoir accès à la licence. Les restrictions imposées par les autorités en octobre dernier ne sont donc pas levées.
Les nouveaux médias face à la censure
Internet fait également les frais de la politique du gouvernement égyptien. Reporters sans frontières regrette notamment le report au 25 décembre prochain du procès des meurtriers présumés de Khaled Saïd, internaute frappé à mort en juin 2010 devant un cybercafé (v. article). Deux « informateurs », à la solde des forces policières, ont été mis en cause par la justice. Ils ne sont pas, à ce jour, accusés de « meurtre », mais d’arrestation sans justification et de brutalités.
Le 26 novembre 2010, une page Facebook de soutien à Khaled Said, « We are all Khaled Saïd », comptant 330 000 membres, ainsi qu'une page du candidat de l’opposition, « Mohamed El Baradei », ont été fermées par le serveur. La page « We are all Khaled Said » a été finalement rouverte suite aux pressions des utilisateurs.
L’Egypte fait partie des « Ennemis d’Internet » répertoriés par l’organisation, en raison, notamment, du harcèlement et des poursuites menés par les autorités égyptiennes contre les blogueurs. Reporters sans frontières demande aux autorités de prendre un nouveau départ avec la blogosphère, dans la lignée de la récente libération de Kareem Amer (v.article).
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Updated on
20.01.2016