Entre condamnations, acquittement et appel

Vendredi 4 juin 2010, plusieurs procès se sont tenus à Istanbul. Reporters sans frontières s’émeut une nouvelle fois des lourdes peines dont ont écopé des journalistes pour avoir simplement fait leur métier. Les autorités turques continuent de s’en prendre aux médias pour des motifs fantaisistes, que l’organisation juge infondés et surtout abusifs. Deux journalistes du bimensuel politique Express, ont été condamnés par la 11e chambre de la cour d’assises d’Istanbul, pour un article évoquant la stratégie adoptée par le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, organisation reconnue comme terroriste par le gouvernement. Le tribunal les a reconnus coupables d’avoir fait la propagande du PKK. C’est une fois encore l’article 7 alinéa 2 de la Loi antiterroriste qui a été utilisée. Le tribunal est revenu à plusieurs reprises sur la peine d’Irfan Aktan, éditeur en chef de la revue. Condamné à un an de prison, puis à un an et demi, il écope finalement d’un an et trois mois d’emprisonnement. Cette peine prend en compte la propagande du PKK faite par voie de presse, mais également la bonne conduite de l’accusé pendant le procès. Merve Erol, rédacteur en chef, a été condamné, sur le même chef, à verser une amende de 16 000 lires turques (8 000 euros). Ses avocats ont déclaré faire appel. Si la condamnation est confirmée par la Cour de cassation, le journaliste devra également purger une peine minimale de 10 mois de prison. Sur la base du même article 7 alinéa 2, Filiz Koçali, ancienne directrice de la publication du quotidien pro-kurde Günlük, Ramazan Pekgöz, l’éditeur, et Ziya Ciçekçi, le propriétaire du journal, ont été condamnés à 7 ans et demi de prison. Ils ont été condamnés à cause des publications des 8 et 9 août 2009. Reporters sans frontières condamne ces verdicts et regrette que la Turquie, sous couvert de lutte antiterroriste, mette à mal la liberté de la presse. Dans une tout autre affaire, Reporters sans frontières tient à saluer l’acquittement de Nedim Sener. L’auteur du livre « L’assassinat de Dink et les mensonges du service des renseignements » était accusé d’avoir, entre autres, publié des documents classés secrets. Pour le tribunal, les informations présentes dans le livre de Sener figuraient dans le dossier concernant la mort de Hrant Dink . Le procureur et les avocats des plaignants feront probablement appel. Reporters sans frontière souhaite voir l’acquittement confirmé. Le dernier procès ayant eu lieu le 4 juin est celui de Mehmet Baransu. Le procureur de la 14e chambre de la cour d’assises d’Istanbul a requis une peine de 10 ans de prison à l’encontre de ce reporter du quotidien Taraf, en vertu de l’article 329 alinéa 1 du code pénal. Le journaliste est accusé d’avoir publié, dans deux articles en date du 13 avril 2009, des « documents portant sur la sécurité nationale » et jugés « confidentiels ». La prochaine audience devrait avoir lieu le 6 octobre prochain. Enfin, Reporters sans frontières dénonce le 7e procès intenté contre Ismail Saymaz, journaliste au quotidien Radikal, à cause de sa couverture de l’enquête Ergenekon. Il est, depuis peu, accusé d’avoir « violé le secret de l’instruction » après avoir évoqué dans un de ses articles la déposition d’un accusé placé en garde à vue. Ses 7 procès cumulés, Ismail Saymaz encourt jusqu’à 58 ans et demi de prison… Reporters sans frontières tient à rappeler que la Turquie a signé la Convention européenne des droits de l’homme, qui consacre, à l’article 10, le droit à la liberté d’opinion et d’expression. L’organisation appelle les autorités à prendre les mesures nécessaires pour enfin respecter cette convention, et assurer à leurs ressortissants une presse libre et diversifiée, offrant un débat contradictoire.
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Updated on 20.01.2016