"On en a marre de toi" : un journaliste gravement menacé et torturé pendant 24 heures
Organisation :
Reporters sans frontières dénonce avec la dernière énergie le rapt subi le 1er février 2012 par Farah Abadid Hildid, journaliste pour La Voix de Djibouti, une radio qui émettait en ondes courtes depuis l'Europe et est désormais disponible sur Internet, ainsi que les menaces et actes de torture qui lui ont été infligés pendant vingt-quatre heures.
Le 2 février, deux heures après que le journaliste a été relâché, l'organisation s'est entretenue avec lui par téléphone. Il raconte :
"J'étais hier dans Djibouti-ville, en train d'attendre un rendez-vous. Il était 11 heures 30. Deux hommes circulant dans une voiture aux vitres teintées se sont arrêtés devant moi. C'était un policier en tenue et un homme en civil. Ils m'ont demandé de monter dans leur voiture. J'ai refusé, mais ils m'ont forcé. Ils m'ont alors bandé les yeux, de sorte que je ne savais pas où ils me conduisaient. Je me suis retrouvé dans une cellule. Ils m'ont déshabillé puis menotté et j'ai passé la journée et la nuit dans ces conditions. J'ai dormi parterre. Ils m'ont frappé les pieds très violemment avec des morceaux de caoutchouc. Ils ont également cassé mes lunettes. 'On en a marre de toi, me disaient-ils. Tu dois arrêter de diffuser des informations sur nous. Tu dois arrêter d'emmerder les policiers et la section de recherche et de documentation (SRD). Si tu continues, on fera pire'. En milieu de journée, ils m'ont rapporté mes habits et m'ont bandé les yeux à nouveau. Ils m'ont conduit dans un terrain vague, dans le quartier de Gabode 4, et m'ont abandonné là."
"Les sévices physiques et tortures psychologiques infligés à ce journaliste sont une honte pour les autorités de Djibouti. Nous demandons que cessent immédiatement de telles intimidations. S'il devait arriver à nouveau quoi que ce soit à Farah Abadid Hildid, nous connaîtrions les responsables", a déclaré Reporters sans frontières, qui a décidé de saisir le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L'organisation restera en communication régulière avec le journaliste pour s'enquérir de sa sécurité.
Le reporter avait déjà été arrêté et détenu à deux reprises en 2011, et avait à chaque fois subi des actes de torture et des mauvais traitements, ce qui avait été corroboré par des examens médicaux.
Après avoir été incarcéré pendant plus de quatre mois, à la prison centrale de Gabode, pour "participation à un mouvement insurrectionnel", il avait à nouveau été arrêté le 21 novembre 2011 pour "mobilisation illégale" et "outrage à chef d’État", avant d'être placé sous contrôle judiciaire par une juge d'instruction de la Cour suprême quatre jours plus tard et libéré.
Ces évènements – entre autres – ont entraîné la chute de Djibouti dans le classement mondial de la liberté de la presse 2011-2012. Avec quarante-neuf places perdues, le petit pays de la corne de l'Afrique figure à la 159e position sur 179 pays.
Publié le
Updated on
20.01.2016