Emirats Arabes Unis

Alors que les Emirats arabes unis connaissent le taux de pénétration Internet le plus élevé du monde arabe, les autorités ont mis en place un filtrage important concernant des sujets sensibles, accompagné d'une législation répressive. Les net-citoyens ont de plus en plus recours à des proxies pour accéder aux milliers de sites interdits. Favoriser l'accès à Internet Les Emirats arabes unis assurent un rôle de leader technologique dans le monde arabe, notamment grâce à l'existence de Dubai Media City et Dubai Internet City, des zones libres où se sont installées de grandes sociétés du secteur des médias et de l'informatique. Les autorités ont décidé, en mars 2009, de faire figurer le nom de domaine du pays en arabe afin de développer l’usage de la langue sur Internet. Elles ont prévu d'investir plusieurs milliards de dollars pour développer les infrastructures et l'accès à Internet dans les administrations et les écoles en particulier. Plus de 50 % de la population des Emirats est connectée à Internet. Une communauté très active de net-citoyens a vu le jour. Les blogueurs abordent des problématiques d'intérêt général mais sont souvent poussés à l'autocensure. Certains traitent pourtant de sujets sensibles, quitte à en subir les conséquences. Le propriétaire du forum majan.net et l'un de ses collègues ont passé plusieurs semaines en prison fin 2007 pour avoir couvert une affaire de corruption dans le milieu médical. Le procureur a finalement annulé, en 2008, les poursuites en diffamation. Une politique extensive de filtrage Si les autorités favorisent l'accès de leurs citoyens au Net, elle tiennent à les y « guider ». Sous couvert de lutter contre la pornographie en ligne, plusieurs milliers de sites Internet sans rapport aucun avec ce sujet ont disparu de la Toile (exemple de sites bloqués : http://www.emarati.katib.org/node/52). Parmi les sujets tabous : les positions politiques alternatives, les visions non orthodoxes de l’islam, les critiques de la société, et notamment de la famille royale. L'économie reste un sujet très sensible : le blog de Mujarad Ensan (www.mujarad-ensan.maktooblog.com) a été bloqué après avoir évoqué les répercussions de la crise économique sur le Royaume. Enfin, les sites qui fournissent des contenus jugés « obscènes » ou des outils de contournement de la censure ne sont pas non plus accessibles. La dénonciation des violations des droits de l'homme dans le pays est aussi visée par les censeurs : le site UAE Torture est, par exemple, interdit. Cinq cents mots clés seraient bloqués par les autorités. Les blocages de sites sont décidés par l'autorité de régulation des télécommunications TRA - en coordination avec le ministère la Communication - et appliqués par les deux fournisseurs d'accès du pays, Etisalat et Du. Ils utilisent le logiciel Smartfilter, un produit de la société Secure Computing, rachetée en 2008 par l'entreprise américaine McAfee. La censure qui touche les réseaux sociaux, les sites participatifs et les plateformes de blogs, est appliquée de manière irrégulière. Les forums sont filtrés en fonction des thèmes abordés par les internautes. Seulement quelques pages ou posts deviennent inaccessibles. Le forum uaehewar.net, très populaire, a récemment été bloqué dans son intégralité. YouTube est partiellement bloqué. Une campagne, lancée en 2009 par le chef de la police de Dubaï, et destinée à en bloquer l’accès complet, a échoué. Plusieurs centaines de cafés Internet existent à ce jour dans le pays. Ils ne constituent pourtant pas le point d'accès principal de la population, qui consulte le Web depuis son domicile ou son lieu de travail. Des nouvelles règles imposent aux utilisateurs de montrer une pièce d'identité et d'enregistrer leurs données personnelles, mais elles ne seraient pas appliquées. Les téléphones portables sont aussi soumis au filtrage. Dernière victime en date : le Blackberry, dont l'accès Internet est filtré depuis décembre 2009. Les autorités ont tenté d'installer des logiciels espions sur ces smartphones en juillet 2009. Elles ont finalement été contraintes de faire marche arrière face au mécontentement des utilisateurs. Cyberlégislation et cyberpolice Depuis décembre 2008, une cyberpolice se charge de surveiller le Web et de garder un œil sur ses utilisateurs. Elle a traité plus de 200 cas en 2009, principalement liés au cybercrime et au hacking si l'on en croit les autorités. A la surveillance croissante viennent s'ajouter des dispositions légales liberticides. En vertu de l'articles de la loi sur la cybercriminalité de 2006, un internaute peut être emprisonné pour “opposition à l’islam”, “insulte à toute religion reconnue par l’Etat” ou “transgression des valeurs et des principes familiaux”. Autre victime des censeurs : le site Hetta.com fait l'objet d'un véritable harcèlement judiciaire. Son rédacteur en chef Ahmed Mohammed bin Gharib a été condamné à une amende de 20 000 dirhams (environ 4000 euros) pour "diffamation", "insulte" et "humiliation" envers Abu Dhabi Media Company, un média contrôlé par l’Etat. Cette condamnation fait suite à la publication d’un article, en mai 2009, dans lequel les journalistes dénonçaient des pratiques de "corruption administrative" et de "détournement de fonds" au sein de la compagnie. Le procès en appel a confirmé ces peines le 13 janvier dernier. Ahmed Mohammed bin Gharib s'est pourvu en cassation. Développement de la cybercensure et des initiatives de contournement Alors que, d'après un sondage publié par le journal Khaleej Times, 95,5% des personnes interrogées sont contre le système actuel de filtrage, ce dernier s'est renforcé ces derniers mois, selon l'OpenNet Initiative. Dubai Internet City et Dubai Media City, jusqu’ici épargnées par la censure, sont désormais touchées par le filtrage, malgré les promesses faites aux investisseurs. Mais les net-citoyens ne se laissent pas décourager : ils sont de plus en plus nombreux à savoir comment contourner la censure et à passer à l'acte.
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Updated on 20.01.2016