Egypte: RSF dénonce la mise en œuvre d’une loi qui tente d’étouffer les médias indépendants en ligne
L’entrée en vigueur de la loi sur la Réglementation des médias impose des conditions financières intenables pour les derniers médias indépendants en Egypte.
La mise en application de la loi sur la Réglementation des médias a été annoncée le 23 octobre dernier et renforce encore un peu plus le climat de répression sur le Net. Les journaux en ligne doivent désormais faire une demande d’enregistrement auprès des autorités. Pour les sites déjà bloqués par le gouvernement, l’obtention de l’autorisation semble impossible. Dans le cas où ils l’obtiendraient, rien ne garantit que ces sites pourraient redevenir accessibles.
Les articles 34 à 36 de cette nouvelle loi détaillent précisément les montants qui doivent être bloqués sur un compte bancaire en fonction du type de média. Faire la demande d’autorisation coûtera au total 660 000 livres égyptiennes soit près de 33 000 euros. Le simple versement d’un acompte, pour le début des procédures, (50 000 livres égyptiennes soit plus de 2450 euros) représente une somme très importante pour l’Egypte, bien trop élevée pour les sites indépendants.
Selon des informations recueillies par RSF, les sites d’information en ligne ont très peu de temps pour faire une demande d’autorisation d’établissement de leur site, risquant éventuellement de lourdes amendes (1 à 3 millions de livres égyptiennes soit entre 50 et 150 000 euros). Mais le média en ligne Masryat a d’ores et déjà décidé de cesser son activité, le temps d’étudier les différentes options juridiques afin d’éviter de faire l’objet d’une amende exorbitante.
“Cette loi s’apparente à de l’extorsion, car désormais si les journalistes veulent travailler, ils doivent payer, dénonce Sophie Anmuth, responsable du bureau Moyen Orient de RSF. Cette mise en oeuvre d’une loi sur les médias très coercive a un objectif politique clair : étouffer les dernières voix indépendantes. On risque d'assister à l’extinction des derniers médias indépendants ou à leur exil hors d’Egypte.”
La loi sur les médias comporte d’autres articles visant à restreindre la circulation de l’information en ligne: selon l’article 19 de cette loi, toute personne ayant plus de 5.000 abonnés en ligne -sur un site personnel, un blog ou les réseaux sociaux - sera considérée comme un média, et pourra faire l’objet de surveillance de la part des autorités. Les comptes personnels d’utilisateurs pourront désormais être bloqués ou suspendus par le Conseil supérieur de régulation des médias, si ce dernier, juge qu’ils “publient ou diffusent de fausses nouvelles”.
L’Egypte occupe la 161ème place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2018 établi par Reporters sans frontières. Le journalisme indépendant y est moribond, d’autant qu’avec le blocage en ligne de plusieurs centaines de sites depuis l’année dernière, les lecteurs peuvent à peine y avoir accès. Au moins 38 journalistes professionnels ou non y sont actuellement privés de liberté pour leur travail d’information.