Egypte : la plus grande confusion règne autour du sort d’Ismaïl Alexandrani

La nouvelle de la condamnation du journaliste d’investigation et chercheur Ismaïl Alexandrani à 10 ans de prison par une cour martiale était démentie le jour même par le porte-parole des forces armées égyptiennes. Le principal intéressé, qui n’a pas assisté à l’audience, a affirmé ne pas avoir été informé de cette décision. Reporters sans frontières demande aux autorités de clarifier la situation et de le libérer au plus vite.

C’est son épouse, lors de sa dernière visite en prison mercredi 23 mai, qui lui a appris la nouvelle. Lui-même ne savait rien de sa condamnation, la veille, à 10 ans de prison par un tribunal militaire du Caire. Et pour cause, le journaliste et chercheur spécialiste du Sinaï, Ismaïl Alexandrani, n’était pas au procès qui a, selon certaines sources, jugé et condamné le 22 mai un groupe de 20 accusés, dont 18 par contumace, pour “divulgation de secrets de la sécurité nationale dans la péninsule du Sinaï” et “appartenance à un groupe interdit”, c’est-à-dire à la confrérie des Frères musulmans.


Au milieu de la confusion, le porte-parole de l’armée, Tamer al Refai, contacté par RSF dès l’annonce du verdict, est formel : d’après lui, Ismaïl Alexandrani n’a pas été condamné. L’affaire est toujours en cours d’investigation. De leur côté, le lendemain, les autorités pénitentiaires n’avaient toujours pas été informées d’un changement de statut du prisonnier: Ismaïl Alexandrani reste en détention provisoire, comme il l’est depuis le 29 novembre 2015 , date de son arrestation à l’aéroport d’Hurghada, sur les bords de la Mer rouge.



“Ismaïl Alexandrani a-t-il été condamné sans même avoir assisté à son procès ou est-il simplement victime d’un étrange dysfonctionnement judiciaire ? s’interroge Sophie Anmuth, en charge du bureau Moyen-Orient à RSF. Cette confusion et incertitude est une nouvelle épreuve pour le journaliste qui a déjà passé près de deux ans et demi en détention provisoire et ce simplement pour son travail de recherche et de partage de l’information. Les journalistes et les civils en général ne devraient pas être jugés en cour martiale. Nous demandons aux autorités égyptiennes d’apporter des clarifications sur son sort et de le libérer au plus vite.”


En décembre dernier, Ismaïl Alexandrani a dépassé la durée maximale légale de détention provisoire en Egypte, à savoir deux ans. Son dossier a alors été transféré à la justice militaire.


Ismaïl Alexandrani est un nom de plume qui fait référence à la ville natale du journaliste, Alexandrie. Ismaïl Al Sayed Mohamed Omar Toufic de son vrai nom est un journaliste et chercheur reconnu notamment sur la question djihadiste dans le Nord-Sinaï. Connu également pour ses écrits anti-régime et pour sa critique du rôle de l'armée en politique, il a été nominé au prix RSF en 2016. Chercheur associé de l’Arab Reform Initiative, professeur invité au Wilson Center de Washington, il a notamment écrit pour MadaMasr, Safir Arabi, Al Jazeera English, le Forum pour les relations arabes et internationales et la revue française Orient XXI.


L’Egypte occupe la 161ème place sur 180 pays dans le Classement 2018 sur la liberté de la presse dans le monde établi par Reporters sans frontières. Au moins 34 journalistes sont actuellement emprisonnés pour leur travail.

Publié le
Mise à jour le 26.05.2018