Un mois après la prise du pouvoir par une junte militaire ayant promis de rétablir la démocratie dans le pays, Reporters sans frontières a remis à l'ambassade de Mauritanie à Paris une lettre adressée au président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie et chef de l'Etat, Ely Ould Mohamed Vall. Ce courrier détaille « douze recommandations pour l'instauration d'une réelle liberté de la presse ».
Un mois après la prise du pouvoir par une junte militaire ayant promis de rétablir la démocratie dans le pays, Reporters sans frontières a remis à l'ambassade de Mauritanie à Paris une lettre adressée au président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie et chef de l'Etat, Ely Ould Mohamed Vall. Ce courrier détaille « douze recommandations pour l'instauration d'une réelle liberté de la presse » après le changement de pouvoir.
« Vous n'ignorez pas quel rôle crucial joue la presse africaine aujourd'hui dans la promotion et l'animation de la démocratie, en offrant un miroir aux peuples, a écrit Reporters sans frontières. Afin d'atteindre les objectifs que vous avez affichés en prenant le pouvoir, il est donc indispensable que vous offriez aux journalistes mauritaniens un espace dans lequel ils peuvent exercer leur métier dans la responsabilité et la sérénité, débarrassés enfin de la peur de la police et de la répression. Nous voulons assurer les autorités mauritaniennes, quelles qu'elles soient, de notre disponibilité pour parvenir à cette fin. »
Le régime de l'ex-président mauritanien Maaouya Ould Taya était peu respectueux de la liberté de la presse. En usant abusivement d'un code de la presse excessivement sécuritaire, le gouvernement déchu fermait ou censurait sans scrupules les publications indociles. De lourdes peines de prison pour les journalistes étaient maintenues et utilisées, en dépit de la réprobation des organisations internationales, comme les Nations unies et ses agences, et du caractère contradictoire de cette répression avec la signature par la Mauritanie de traités et de chartes garantissant les libertés civiles.
Reporters sans frontières recommande donc aux nouvelles autorités de Nouakchott :
L'abrogation des lois liberticides
- Suppression de l'article 11 de la loi de la presse qui offre au ministère de l'Intérieur un pouvoir discrétionnaire en matière de censure préalable. Cet article de l'ordonnance-loi du 25 juillet 1991 relative à la liberté de la presse stipule que « le ministère de l'Intérieur peut, par arrêté, interdire la circulation, la distribution ou la vente de journaux (...) qui portent atteinte aux principes de l'islam ou à la crédibilité de l'Etat, causent un préjudice à l'intérêt général ou troublent l'ordre et la sécurité publics ».
- Suppression de l'obligation du dépôt légal préalable à la distribution des journaux, en vertu de laquelle le ministère de l'Intérieur, des Postes et des Télécommunications ou le procureur de la République disposent de 48 heures pour prononcer un ordre de censure.
- Suppression de « l'enquête de moralité » menée par la police politique, préalable incontournable à l'obtention d'une autorisation de publication.
La mise en place de nouvelles structures
- Mise en place d'un conseil indépendant, chargé d'arbitrer les litiges entre la presse et la société. Ce conseil doit être libre de toute emprise politique, militaire, commerciale ou religieuse, et délibérer dans un esprit de justice et de mesure. Il doit être composé, entre autres, de journalistes mauritaniens, individuellement ou dans le cadre de leurs organisations représentatives indépendantes. Le conseil sera le défenseur de la liberté de la presse en Mauritanie et aura également le pouvoir de prononcer des avertissements et de prendre des sanctions contre les organes de presse qui auraient dérogé aux règles de la déontologie professionnelle ou au droit.
- Dépénalisation des délits de presse, tels que la diffamation ou la publication de fausses nouvelles. Ces infractions devront, en outre, être clairement définies dans le code civil. Pour être constituée, la diffamation devra être démontrée et prouvée devant les tribunaux, et ne pas se résumer à l'atteinte à l'image d'une personnalité ou d'une entreprise. Les sanctions prévues par la loi (droit de réponse, publication judiciaire, amendes, etc.), devront être proportionnées à l'infraction.
- Afin que les journalistes ne puissent être considérés comme des auxiliaires de police, le principe de la protection du secret des sources doit être garanti par la loi.
L'instauration de nouvelles règles
- Mise en place d'une charte d'éthique et de déontologie du journaliste mauritanien, sur proposition des journalistes, à travers leurs instances représentatives. En reconnaissant la valeur de ce document, le gouvernement doit s'engager à le respecter et à aider la profession à le faire respecter.
- Promulgation d'une loi codifiant clairement les critères d'attribution et de suppression de la carte de presse. Cet instrument doit être manié par une instance indépendante de toute emprise politique, religieuse ou commerciale, et reconnue par la profession.
- Libéralisation du secteur de la radio et de la télévision sur toute l'étendue du territoire national.
- Garantie de l'ouverture des médias publics à l'opposition et aux partenaires sociaux.
- Instauration de critères équitables et transparents pour la distribution de la publicité des entreprises publiques dans la presse.
- Promulgation d'une loi instaurant un droit de grève aux journalistes du service public.