District de Mexico: une nouvelle loi pour protéger les journalistes ?
Le district fédéral de Mexico a promulgué le lundi 10 août une loi de protection pour les défenseurs des droits de l’homme et pour les journalistes. RSF salue cette initiative mais reste attentive à l’application effective de la loi, qui pourra avoir valeur d’exemples pour d’autres États du pays, dans un contexte de dangerosité extrême pour les professionnels de l’information exerçant au Mexique.
Quelques jours à peine après l’assassinat du photojournaliste Ruben Espinosa ainsi que de la militante Nadia Vera et trois autres personnes dans la ville de Mexico, de nombreux journalistes craignent à juste titre pour leur intégrité physique et l’avenir de leur profession.
Dans ce contexte particulièrement tendu, le maire de Mexico Miguel Angel Mancera a annoncé, le lundi 10 août, l’entrée en vigueur de la Ley de Protección a Personas Defensoras de Derechos Humanos y Periodistas del Distrito Federal, destinée à renforcer la protection des journalistes dans le district de Mexico.
Cette loi est le fruit de plusieurs années de concertation et de travail entre membres de la société civile, organisations de défenseurs des droits de l’homme, journalistes et employés du district fédéral.
Elle prévoit, entre autres, de reconnaître le travail de promotion et de défense du journalisme et des droits de l’Homme comme des activités d’intérêt public, de garantir l’intégrité physique, psychologique, morale et économique des journalistes lorsqu’ils sont en danger, et d’assurer les mêmes droits et protection à leurs familles et leurs collaborateurs. La loi garantira les mêmes droits et la même protection aux journalistes venant de l’extérieur du district fédéral et qui ont fui leur lieu d’origine en raison de violences ou de menaces. La mise en place d’un fonds d’urgence pouvant être débloqué en vingt-quatre heures est également prévue, pour permettre notamment aux journalistes de se loger et se nourrir.
“Nous nous réjouissons de la promulgation de cette loi et saluons la volonté politique de renforcer la protection des journalistes dans le district de Mexico. Nous espérons que cette loi aura un effet boule de neige et servira d’exemple à d’autres États du Mexique où ces types de mécanismes sont soit inexistants soit inefficaces, déclare Emmanuel Colombié, responsable du bureau Amériques de Reporters sans frontières. RSF souhaite néanmoins que cette loi ne soit pas utilisée à des fins politiciennes, et demande instamment que les ressources nécessaires soient allouées à son bon fonctionnement.”
La loi ayant subi plusieurs modifications de dernière minute, les organisations civiles partie prenantes du projet restent vigilantes sur la mise en place effective de la loi, et émettent plusieurs requêtes, auxquelles RSF s’associe.
Parmi elles:
- un engagement total des différentes instances du gouvernement du district fédéral pour atteindre les objectif de la loi, et la possibilité d’aménager et de modifier cette loi, dans ses grandes lignes, en consultant régulièrement la société civile,
- une répartition équitable entre membres de la société civile et membres du gouvernement à l’intérieur du comité d’application de la loi,
- la mise à disposition de ressources suffisantes et d’un personnel qualifié et connaisseur des problématiques journalistiques pour la mise en oeuvre du mécanisme,
- la garantie que le mécanisme fonctionnera en pleine autonomie, avec son propre patrimoine, et que le fonds d’urgence sera disponible rapidement.
Rappelons que depuis 2000, 89 journalistes ont été assassinés au Mexique, selon les chiffres de RSF.
Le Mexique est situé à la 148e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en février 2015.