Deux mois avant les élections : aucune garantie de liberté et d'accès pour la presse

Il ne reste plus que deux mois avant les élections générales convoquées par la junte militaire le 7 novembre 2010, et rien ne permet d'affirmer aujourd'hui que les médias birmans et étrangers pourront couvrir librement la campagne et le scrutin. Au contraire, le maintien du système de censure préalable hypothèque toute chance d'un scrutin démocratique. Sans liberté de la presse, une élection n'est qu'une mascarade. En Birmanie, il existe plus de 150 publications privées, mais elles sont soumises à la censure préalable effectuée par la Division d'enregistrement et de vérification de la presse, dit Bureau de la censure, dirigée par un officier de la junte. Ce mécanisme de vérification avant publication, pratiquement unique au monde, empêche l'émergence de toute indépendance éditoriale. Les médias internationaux en birman (BBC, RFA, VOA et DVB) n'ont jamais été autorisés à travailler librement dans le pays et sont régulièrement attaqués par la junte militaire. Et les visas sont distribués au compte-gouttes aux reporters étrangers. "Nous avons les mains liées dans le dos", a expliqué un journaliste de Rangoon à Reporters sans frontières. En effet, la préparation des élections, dont le résultat est joué d'avance selon le principal parti d'opposition, s'est accompagnée d'un renforcement de la censure. Selon le témoignage d'un directeur de publication recueilli par le magazine Irrawaddy : "Normalement, trois fonctionnaires vérifient notre journal au Bureau de la censure. Mais en vue des élections, chaque ligne est relue par une douzaine de fonctionnaires." Selon le même journaliste, des ressources humaines supplémentaires ont été assignées au Bureau de la censure dès mai dernier. Dernier exemple en date : l'hebdomadaire Modern Times a été interdit pendant une semaine pour avoir modifié un titre de sa rubrique météo sans l'autorisation préalable des autorités. Le Bureau de la censure a visiblement jugé que "Will it come in September?" pouvait cacher un contenu politique. L'article signé d'un météorologiste reconnu revenait sur les risques de fortes pluies en septembre. Mais les censeurs y ont vu une référence au troisième anniversaire de la Révolution Safran de 2007. Déjà en juillet, le magazine The Voice avait été suspendu deux semaines pour avoir publié un article sur la Constitution de l'analyste Aung Htut, pseudonyme de Nay Win Maung, qui avait déplu à de hauts officiels. Le texte revenait sur les pouvoirs et les droits du futur président au regard de la nouvelle Constitution. Cette décision a surpris puisque The Voice est proche de la junte, notamment du ministre Htay Oo. Egalement en juillet, le politicien Nay Myo Wei s'était plaint qu'une interview qu'il avait donnée à l'hebdomadaire Pyithu Khit avait été supprimée par les censeurs. Un journaliste birman a précisé que le Bureau de la censure ne signifiait pas ces interdictions par écrit, mais contactait les directeurs de publication pour les contraindre de cesser leur publication temporairement. Dans le même temps, la police continue à empêcher la circulation de publications favorables à l'opposition. Ainsi, en juillet, un adolescent a été arrêté à Rangoon en possession de copies de livres écrits par Aung San Suu Kyi et Win Tin. En revanche, certaines publications, les plus proches du gouvernement, ont pu, dans les limites imposées par le Bureau de la censure, se faire l'écho de la préparation des élections. Cette couverture s'est avant tout limitée aux manœuvres électorales des généraux au pouvoir et à l'enregistrement des partis politiques. De même, en juillet dernier, les autorités avaient rendu facultative la publication des articles de propagande préparés par des journalistes gouvernementaux. "Mais les médias devront tout de même les publier si la demande vient des plus hautes autorités", avait précisé un fonctionnaire du Bureau de la censure interrogé par Mizzima News. La presse gouvernementale, notamment The New Light of Myanmar (http://www.myanmar.com/newspaper/nlm/index.html), vante à longueur de pages les préparatifs de ces élections sous emprise militaire. Déjà, en mars dernier, Reporters sans frontières et la Burma Media Association avaient jugé peu crédibles le processus électoral au vu des lois électorales mises en place par le gouvernement militaire : http://fr.rsf.org/birmanie-pas-d-election-credible-sans-26-03-2010,36846.html La Birmanie, "paradis des censeurs", figure au 171e rang sur 175 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse publié en 2009 par Reporters sans frontières.
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Updated on 20.01.2016