Deux journaux kurdes suspendus pour un mois et une revue saisie
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Reporters sans frontières regrette que des publications kurdes soient, une nouvelle fois, suspendues ou saisies sur la base de la loi antiterroriste n° N°3713 (LAT). La LAT permet à la justice turque de poursuivre et de condamner à de lourdes peines les journalistes des médias kurdes, entretenant ainsi une logique répressive à leur égard. Cette loi, que la Cour constitutionnelle refuse d’annuler ou même de remettre en question, a déjà valu à la Turquie plusieurs condamnations devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Le quotidien Rojev s’est vu réduit au silence pour une période d’un mois, le jour même de la parution du numéro incriminé, le 28 août 2010. En vertu de l’article 6 de la LAT, la 11e chambre de la cour d’assises d’Istanbul a reproché à la direction du journal d’avoir utilisé une photographie d’un poster d’Abdullah Öcalan, leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ainsi qu’une photographie du drapeau de l’organisation. Le PKK, en lutte armée contre la Turquie depuis 1984, figure sur la liste des organisations terroristes érigée par le gouvernement turc, l’Union européenne, le Canada et les Etats-Unis.
En vertu de l’article 25 du code de la presse, la 2e chambre du tribunal correctionnel de Mersin (sud de la Turquie) a ordonné la saisie du numéro 53 de la revue trimestrielle culturelle Güney, le 27 août dernier. Le tribunal a estimé que la revue faisait la propagande du PKK, suite à un article intitulé « Les droits des enfants kurdes, la prison », signé par Ali Dagdeviren. L’article critiquait la politique de l’Etat turc concernant le traitement réservé aux enfants kurdes, incarcérés en raison de la LAT, le nom du PKK n’était aucunement mentionné.
Le 24 août dernier, le seul quotidien kurde du pays, Azadiya Welat, a été suspendu par la 14e chambre de la cour d’assises d’Istanbul, en raison de la parution d’articles, de chroniques et de photographies. La cour n’a ni signalé les titres des articles incriminés ni donné d’indications précises sur les contenus « dérangeants » mais a ordonné la saisie de ce numéro du journal, le jour même.
Azadiya Welat, cible quotidienne des foudres du pouvoir, qu’il s’agisse de poursuites ou de saisies, est sanctionné pour la huitième fois depuis sa création, en 2006.
Reporters sans frontières réitère son soutien aux anciens rédacteurs en chef du journal, Vedat Kursun et Ozan Kilinç, ainsi qu’aux autres journalistes des médias kurdes, emprisonnés et condamnés à de lourdes peines. Le cas de Vedat Kursun, condamné à plus de 166 ans de prison, est emblématique des dérives découlant de la LAT.
Reporters sans frontières rappelle l’expulsion, le 20 août dernier, du journaliste américain Jake Hess, après neuf jours de détention. « Les autorités turques ont justifié l’expulsion de Jake Hess et son interdiction d’entrée sur le territoire par le fait que son nom apparaissait dans le registre des personnes accusées d’entretenir des liens avec le PKK», a déclaré Serkan Akbas, l’avocat du journaliste.
En 2009, la Turquie a été condamnée douze fois par la Cour européenne des droits de l’homme pour des affaires de violation de la liberté d’expression. Près de 17% des arrêts rendus par la CEDH depuis 1959 concernent ce pays.
Publié le
Updated on
20.01.2016