"Ce climat de peur, dont l'ampleur et la gravité sont sans précédent au Gabon depuis plusieurs années, est le signe qu'une traque est organisée par le chef de l'Etat (photo) contre ceux qui font preuve d'une curiosité trop grande sur des sujets tels que le patrimoine de la famille Bongo ou la gestion des fonds publics. La chasse aux journalistes doit immédiatement cesser et les détenus doivent être relâchés, puisque aucune charge n'est retenue contre eux", a déclaré l'organisation de défense de la liberté de la presse.
Reporters sans frontières prend acte de la remise en liberté provisoire, le 12 janvier 2009, du directeur technique de la radio Sainte-Marie, Gaston Asseko, ainsi que de trois membres éminents de la société civile gabonaise et un gendarme. Le rédacteur en chef du bimensuel privé Tendance Gabon, Léon Dieudonné Kougou, arrêté en même temps que Gaston Asseko et inculpé dans la même affaire, avait éte laissé en liberté provisoire dès le 7 janvier.
"Cette remise en liberté provisoire est une bonne nouvelle pour Gaston Asseko et ses proches. Elle met fin à deux semaines pénibles de détention au cours desquelles l'état de santé du journaliste, opéré récemment, s'est dégradé. Nous plaçons désormais nos espoirs dans le juge d'instruction pour reconnaître la vacuité des poursuites et abandonner les charges contre les prévenus", a déclaré l'organisation.
Le 12 janvier, en fin de journée, Gaston Asseko et ses coaccusés ont été conduits de la prison centrale de Libreville devant le juge d'instruction qui leur a annoncé leur remise en liberté provisoire. Interrogé au téléphone par Reporters sans frontières, le journaliste s'est dit "soulagé", mais "très éprouvé" par ses quatorze jours de détention. Son avocat, Me Ruphin Nkoulou-Ondo, a pour sa part confié à l'organisation que "les accusations de 'détention d'un document en vue de sa diffusion dans un but de propagande' et 'propagande orale ou écrite en vue de l'incitation à la révolte contre les autorités' pèsent encore sur les prévenus comme une épée de Damoclès".
Le document en question est la lettre ouverte au président gabonais, publiée en décembre par Bruno Ben Moubamba, porte-parole des Acteurs Libres de la Société Civile Gabonaise, dans laquelle il demande notamment "des comptes sur la gestion financière du pays depuis 40 ans". Les prévenus risquent des peines pouvant aller jusqu'à 5 ans de prison et 250 000 francs CFA d'amende (380 euros).
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07.01.2009 - Plusieurs journalistes et membres de la société civile détenus depuis une semaine : Reporters sans frontières dénonce un climat de peur
Reporters sans frontières exprime sa très profonde inquiétude après l'interpellation et la détention prolongée, au siège de la police judiciaire (PJ) de Libreville, de deux journalistes et de plusieurs membres éminents de la société civile gabonaise. Tous sont détenus depuis une semaine, au-delà de la durée légale d'une garde à vue au Gabon, sans qu'aucun motif ait été fourni pour justifier leur arrestation. Ces derniers jours, plusieurs journalistes ont été convoqués et entendus à la PJ dans la même affaire.
"Ce climat de peur, dont l'ampleur et la gravité sont sans précédent au Gabon depuis plusieurs années, est le signe qu'une traque est organisée par le chef de l'Etat contre ceux qui font preuve d'une curiosité trop grande sur des sujets tels que le patrimoine de la famille Bongo ou la gestion des fonds publics. La chasse aux journalistes doit immédiatement cesser et les détenus doivent être relâchés, puisque aucune charge n'est retenue contre eux", a déclaré l'organisation.
Contrairement aux informations faisant état de la libération de Gaston Asseko, directeur technique de la radio Sainte-Marie, et de Léon Dieudonné Kougou, rédacteur en chef du bimensuel privé Tendance Gabon, Reporters sans frontières confirme le maintien en détention des deux journalistes. Le 30 décembre 2008, ils ont été interpellés par les services de renseignements et conduits à la police judiciaire pour y être gardés à vue. Opéré récemment, Gaston Asseko doit faire l'objet d'un suivi médical.
Bien qu'aucun motif n'ait été publiquement fourni pour justifier leur arrestation, tout porte cependant à croire qu'il leur est reproché d'avoir participé, à Libreville, à une rencontre avec Bruno Ben Mubamba, porte-parole des Acteurs Libres de la Société Civile Gabonaise, venu de Paris. Plus largement, les journalistes seraient inquiétés parce qu'ils reprennent les informations relatives à l'affaire des "biens mal acquis", en référence à la plainte déposée par deux ONG françaises contre le chef de l'Etat gabonais Omar Bongo Odimba et les présidents congolais et équato-guinéen, pour "recel de détournement de fonds publics".
Reporters sans frontières rappelle que, le 11 mars 2008, Tendance Gabon avait été suspendu pour une durée de trois mois après avoir reproduit un article du quotidien français Le Monde sur le luxueux patrimoine immobilier du président Omar Bongo en France.
Le 31 décembre, Gaston Asseko et Léon Dieudonné Kougou ont été rejoints à la PJ par trois autres personnes, interpellées elles aussi. Il s'agit de Marc Ona Essangui, président de l'ONG Brainforest et porte-parole de la coalition Publiez ce que vous payez (PCQVP), Georges Mpaga, membre de la coalition et président du Réseau des organisations libres de la société civile pour la bonne gouvernance au Gabon (ROLGB), et Gregory Ngbwa Mintsa, citoyen gabonais, seul ressortissant africain à s'être porté partie civile aux côtés des ONG Transparency International France et Sherpa.
Le 2 janvier, Reporters sans frontières avait écrit au président gabonais pour l'enjoindre de fournir des explications sur la détention des journalistes et des membres de la société civile, et lui demander de veiller à ce que leurs droits soient respectés. L'organisation n'a pas reçu de réponse.