Deux journalistes interrogés par la Cour militaire
Organisation :
Le 3 juin 2011, Hossam al-Suwaifi, journaliste à Al-Wafd, et Sayyid Abdel Ati, rédacteur en chef de l’édition hebdomadaire du journal, ont été interrogés par le Parquet militaire égyptien en raison d’un article publié le 26 mai 2011 évoquant un possible pacte entre l’armée et les Frères musulmans. Ces interrogatoires viennent s’ajouter à la liste des professionnels de l’information convoqués par le procureur militaire. Reporters sans frontières avait exprimé, le 1er juin 2011, sa plus grande inquiétude face à cette pratique devenue de plus en plus systématique (voir ci dessous).
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3.06.2011 - Reporters sans frontières interpelle le Conseil suprême des forces armées sur la liberté d’expression en Égypte
Reporters sans frontières condamne les pressions que subissent, depuis quelques mois, les journalistes et les blogueurs égyptiens. Menaces, arrestations, interrogatoires et violences sont redevenus monnaies courante dans l’Égypte post-révolutionnaire.
Le Conseil suprême des forces armées organise, le 5 juin 2011, un forum sur les médias égyptiens auquel seront invitées les principales forces politiques du pays, ainsi que des personnalités du monde des médias. La liste précise des invités n’a pourtant pas été diffusée. Si le Conseil a annoncé que la société civile pouvait envoyer ses revendications par fax, Reporters sans frontières craint que ce forum ne serve d’alibi à l’armée pour esquiver les critiques sur les récentes dégradations dont elle est fortement responsable. L’organisation appelle le Conseil suprême des forces armées à profiter de ce rendez-vous pour prendre en compte les revendications sur la liberté de la presse et donner une nouvelle dynamique sur le respect du travail d’information.
L’organisation a adressé, le 1er juin 2011, une lettre (voir document joint) à Mohamed Hussain Tantawi, chef du Conseil suprême des forces armées, pour lui exprimer son inquiétude, et lui demander de garantir la liberté d’expression, sans condition. “L’Égypte doit garantir les droits fondamentaux en général et la liberté d’expression en particulier, quel que soit l’objet des critiques publiées, pour conforter sa transition démocratique. (...) L’armée ne saurait bénéficier d’un statut particulier qui l’exonère des critiques sans se positionner à contre-courant du mouvement des libertés en marche dans le pays”, a averti Reporters sans frontières dans sa lettre.
Le 10 avril 2011, le blogueur Maikel Nabil Sanad a été condamné à trois ans de prison ferme, faisant de lui le premier prisonnier d’opinion en Egypte depuis la révolution. Maikel Nabil Sanad, objecteur de conscience, est accusé d’“insulte à l’institution militaire”, “publication de fausses nouvelles” et “trouble à l’ordre public”, pour avoir publié un rapport, sur son blog, remettant en cause l’apparente neutralité de l’armée lors des manifestations de janvier et février 2011. Reporters sans frontières demande sa libération immédiate.
Les arrestations et les violences à l’encontre des professionnels des médias dans le pays récemment constatées instaurent un nouveau climat d’intimidation. Le blogueur Hossam Al-Hamalawy et les journalistes Rim Magued et Nabil Sharaf Al-Din ont été interrogés le 31 mai pendant près de trois heures sur leur intervention sur la chaîne ON-TV. Invité de l’émission de Rim Magued le 26 mai, Hossan Al-Hamalawy avait accusé la police militaire de violer les droits de l’homme. Nabil Sharaf Al-Din avait, le lendemain, évoqué la possibilité d’une alliance entre les Frères musulmans et l’armée en vue d’une passation de pouvoir. Alors que les journalistes étaient auditionnés, une centaine de personnes se se sont rassemblées pour dénoncer les procès de civils devant les tribunaux militaires, demandant une liberté d'expression totale.
“Le ministre des Affaires étrangères, Nabil al-Arabi, a affirmé, le 19 avril 2011, que l’Égypte œuvrait à devenir “un État de droit”. Le respect et la prééminence des règles de droit suppose l’instauration d’une justice indépendante et impartiale, et non le recours abusif à la justice militaire. La traduction d’une personne civile devant une cour martiale - juridiction dont il ne dépend pas - est une violation du droit à un procès équitable garanti par l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l’Égypte”, a précisé Reporters sans frontières dans sa lettre à Mohamed Hussein Tantawi.
Amr Khajafa, rédacteur en chef du journal Al-Shourouq, et deux de ses journalistes ont également été interrogés par la Cour militaire égyptienne, le 19 mai 2011, pour “publications d’informations mensongères et agitation de l’opinion publique” suite à la publication d’un article évoquant une possible amnistie de l’ex-président Hosni Moubarak. La blogueuse Botheina Kamel a quant à elle été convoquée devant la Cour militaire le 15 mai 2011, peu de temps après avoir critiqué l’institution dans une émission de la chaîne Nile TV.
Parallèlement à ces convocations, Reporters sans frontières a recensé plusieurs cas d’agressions et d’arrestations qui ne sont pas sans rappeler les pratiques en vigueur pendant l’ancien régime. Ali Said, journaliste au magazine Radio wa Telvesa, a été sévèrement agressé par des inconnus, le 30 mars, après avoir publié un entretien avec l’actrice Ietimad Khurshid, veuve du président des services de renseignement durant le règne de Nasser, exposant des crimes commandités par Safwat Al-Sherif, ancien Secretaire-général du Parti national démocratique et ministre de l’Information pendant 22 ans.
Rasha Azab, qui travaille pour l’hebdomadaire Al-Fagr, a été interpellée sur la place Tahrir, le 9 mars dernier. La journaliste, âgée de 28 ans, a été menottée, insultée et battue par les forces de sécurité, puis conduite dans un bâtiment du Musée national. Elle a été présentée au procureur militaire avant d’être libérée quatre heures plus tard avec cinq autres journalistes.
Le journaliste Mahmoud Thabet, rédacteur en chef du journal Al-Mesri Al Yaoum, a été victime d’agressions physiques à Assioût, le 16 avril 2011, par des policiers alors qu’il filmait une conduite d’eau qui avait explosé. Les policiers ont tout d’abord essayé de l’empêcher d’effectuer son travail avant de le frapper et de lui confisquer son téléphone ainsi que son appareil photo. Il a ensuite été amené au poste de police où on l’a accusé d’être à l’origine des heurts avec les forces de l’ordre.
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Updated on
20.01.2016