Deux ans après l’assassinat de Peter R. de Vries, RSF demande aux autorités néerlandaises des mesures efficaces de protection des journalistes

Si l’enquête sur l’assassinat de Peter R. de Vries progresse, Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités néerlandaises de ne pas ménager leurs efforts pour identifier et juger rapidement toutes les personnes impliquées. L’organisation les appelle également à tirer les leçons des failles dans la protection policière constatées, notamment en mettant en place d’un cadre de protection sur mesure pour les journalistes d’investigation.

Le journaliste d’investigation Peter R. de Vries est décédé à l’hôpital le 15 juillet 2021 suite à une attaque par balles en plein centre-ville d'Amsterdam neuf jours plus tôt. Les menaces, que ce spécialiste des affaires criminelles recevait et qui lui valaient une protection de police, se sont matérialisées le 6 juillet 2021, alors qu’il sortait de l’émission “RTL Boulevard”

Deux premiers suspects ont été interpellés le soir même de l’assassinat et devaient être jugés dès 2022. Mais au cours de ces deux dernières années, sept autres personnes ont été arrêtées. Par conséquent, le tribunal d’Amsterdam a annoncé, en juin dernier, la tenue du procès à partir de janvier 2024.

Le parquet n’a d’ailleurs pas cessé de faire de nouvelles révélations sur le meurtre du journaliste très respecté tant par ses pairs et que par le grand public. Le décryptage de la communication entre les assaillants présumés a montré, en juin dernier, que l’attaque aurait dû avoir lieu un jour plus tôt, le 5 juillet 2021. Or, comme Peter R. de Vries n’était pas invité à l’émission “RTL Boulevard” ce jour là, l’homme initialement chargé du meurtre s’était retracté et une autre personne avait été sollicitée. L’assassin présumé avait alors accepté le jour même la commande qu’il a ensuite menée avec une “facilité [] aussi terrifiante que significative”, selon le procureur. 

"Nous saluons la mobilisation des autorités judiciaires néerlandaises. Elles doivent garder le cap jusqu’à ce que tous les responsables de l’assassinat du journaliste Peter R. de Vries soient condamnées. Sixièmes au Classement mondiale de la liberté de la presse, les Pays-Bas ont un devoir d'exemplarité. Celui-ci implique également que des leçons soient tirées de cet assassinat et qu’une protection plus efficace des journalistes d’investigation soit mise en place. RSF réitère sa recommandation faites avec ses partenaires pour la mise en place d’un cadre de protection sur mesure.

Pavol Szalai
Responsable du bureau UE-Balkans de RSF

Outre les deux auteurs directs du crime, la police a arrêté sept personnes, accusées d’avoir fourni des armes et un véhicule, joué un rôle d’intermédiaire et diffusé des images du corps du journaliste tué. Un homme a en effet filmé la scène du meutre qu’il a diffusé sur les réseaux sociaux, dans l’optique, selon le procureur, de semer la terreur dans la société néerlandaise. 

Si les autorités judiciaires n’ont pas, pour le moment, identifié le commanditaire de l’assassinat, elles l’attribuent à une “organisation criminelle” qui serait responsable d’autres homicides. Le nom du mafieux néerlandais Ridouan Taghi, aujourd’hui en prison, est évoqué. Peter R. de Vries aurait pu être ciblé en tant que conseiller et confident du témoin clé dans le procès de R. Taghi, Nabil B., et dont deux proches ont aussi été assassinés. C’est un rôle qu’il exerçait auprès de plusieurs victimes de crimes, du fait d’une carrière de plus de 40 ans en tant que reporter criminel. 

Les circonstances de cette série d’assassinats, en dépit des mesures de police, ont d’ailleurs fait l'objet d'une enquête d’une agence d’État, le Bureau d’enquête néerlandais. Ce dernier a conclu, en mars dernier, que les autorités néerlandaises avaient commis des erreurs dans la protection du journaliste, du frère de Nabil B. et de son avocat. Selon l’agence, la police et le ministère public n’ont pas partagé "toutes les informations disponibles sur la menace au cours de l'enquête" liée à Nabil B. et n’ont pas écouté “des signaux des personnes menacées”. Le rapport constate que "bien qu'il y ait eu des raisons d'ajuster les mesures de sécurité de M. de Vries, le procureur général (...) ne l'a pas fait". Cela a empêché la mise en place “des mesures de sécurité structurelles pour les apparitions médiatiques” de Peter R. de Vries. La police n’a pas lu, selon ce document, un mail de notification d’arrivée du journaliste au studio envoyé par RTL 4

Si aucune personne n’a été mise en cause pour ces erreurs à la connaissance de RSF, les autorités ont ouvert une discussion sur de nouvelles mesures de protection des journalistes suite à un rapport co-signé par RSF. En effet, en 2022, lors d’une mission de RSF et d’autres organisations dans le pays, des journalistes auditionnés ont indiqué que Peter R. de Vries n’avait pas bénéficié d’une protection adaptée. D’une part, les autorités nationales avaient refusé de le protéger, car il n’était pas une partie prenante officielle du procès de Ridouan Taghi. D’autre part, les autorités locales, qui ont été chargées de cette mission, n’avaient pas trouvé un modèle efficace pour Peter R. de Vries après son refus d’une protection rapprochée qui selon les journalistes aurait pu compromettre ses sources. 

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