Des journalistes de médias privés attaqués à La Paz : “Les groupes progouvernementaux radicaux, comme les milices autonomistes, doivent être mis hors d'état de nuire”
La visite en Bolivie de la CIDH, du 9 au 13 juin 2008, doit être l'occasion de gestes forts en faveur de la liberté d'informer. Reporters sans frontières réclame la même fermeté vis-à-vis des milices régionalistes et des groupes radicaux progouvernementaux, coupables les unes et les autres d'agressions envers les médias.
Reporters sans frontières espère qu'interviendra rapidement l'arrestation d'Adolfo Cerrudo, chef du Comité civique populaire - une organisation progouvernementale radicale -, après les agressions commises par ses militants contre des journalistes de chaînes de télévision privées, le 4 juin 2008 à La Paz. L'organisation souhaite que la visite dans le pays de représentants de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH), du 9 au 13 juin, soit l'occasion de gestes forts de toute la classe politique en faveur des libertés fondamentales, dont celle d'informer.
“Nous avions demandé aux partis politiques d'opposition de désavouer publiquement les milices régionales comme la Unión Juvenil Cruceñista, qui ont multiplié les attaques contre les médias publics ou réputés proches du gouvernement lors des récents référendums autonomistes (lire le communiqué du 2 juin 2008). Nous sollicitons de la même manière la plus grande fermeté du gouvernement envers les militants du Comité civique populaire, coupables d'agressions contre des journalistes issus du secteur privé. En s'en prenant à la liberté d'informer, ces groupes radicaux jouent la politique du pire, à l'aune du référendum national qui doit avoir lieu le 10 août prochain”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 4 juin à La Paz, des militants du Comité civique populaire, emmenés par Adolfo Cerrudo, ont manifesté devant les locaux du Défenseur du peuple, pour exiger la libération de Robert Lenín Sandoval López, accusé d'agressions contre des représentants de l'État et d'autres délits. “Quand nous sommes arrivés sur place, autour de 20h15, Adolfo Cerrudo m'a reconnu et m'a dit : ‘Dis à ton patron (Jorge Tejerina, chef de presse de la chaîne de télévision privée Cadena A) que nous allons le tuer. Si tu ne le lui dis pas, tu subiras le même sort'”, a confié à Reporters sans frontières Christian Rojas, un journaliste de Cadena A. “Quand mon cameraman Erick Condonera a mis son matériel en marche, Cerrudo a appelé ses compagnons. Ils l'ont poussé contre un mur, l'ont encerclé et l'ont menacé. ‘Arrête de filmer !', ‘arrête de filmer ! On va niquer les médias', lui ont-ils dit”, a poursuivi Christian Rojas. Un cameraman de la chaîne ATB , Mario Martínez, a lui aussi été menacé par le Comité civique populaire mais a souligné ne pas avoir été frappé.
Lors d'une autre manifestation dont il avait pris la tête, au mois de mars, Adolfo Cerrudo avait menacé de violer une journaliste du quotidien La Razón, propriété du groupe espagnol Prisa. Les autorités ont été alertées, par les organisations professionnelles, d'agressions commises contre les médias par le même homme le 26 novembre 2007, les 6 mars, 24 avril et 4 juin 2008. Teresa Vera, représentante du ministère public à La Paz, a dit avoir ordonné l'ouverture d'une enquête concernant Adolfo Cerrudo. Le commandant de la police de La Paz, Víctor Hugo Escobar, a fait savoir qu'il attendait des ordres pour l'arrêter. Cadena A a engagé une procédure contre Adolfo Cerrudo.
L'Association nationale de la presse, qui regroupe des propriétaires et directeurs de quotidiens, s'est manifestée à deux reprises. Dans un communiqué du 5 juin, elle a condamné l'agression contre Marianela Paco Durán, de Radio Aclo (privée mais plutôt en phase avec le gouvernement), menacée d'être brûlée vive, le 24 mai à Sucre (Sud), et les sabotages contre la chaîne publique Canal 7 Televisión Boliviana à Trinidad (Nord), lors du référendum autonomiste dans le département du Beni. Dans une lettre ouverte au président Evo Morales, réagissant à l'agression du 4 juin, l'ANP a réclamé l'arrestation d'Adolfo Cerrudo. D'autres organisations comme l'Association des journalistes de La Paz (APLP) ont également plaidé pour que les journalistes boliviens, quels que soient leur média et leur tendance, puisse travailler librement.