Demande de transparence de la part des autorités américaines et irakiennes après les révélations de wikileaks.
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Le site Wikileaks a publié, le 23 octobre 2010, une série de près de 400 000 documents de l’armée américaine, classés “confidentiels”, sur la guerre en Irak. Ces documents révèlent notamment l’ampleur des exactions commises contre les populations civiles par les forces de la coalition et ses alliés irakiens depuis 2003. Les pressions des autorités américaines et irakiennes destinées à empêcher leur publication sont à la fois absurdes et contraires aux principes d’accès à l’information publique.
“L’heure n’est plus aux menaces ni aux invectives. Les informations en question ont été rendues publiques et d’autres publications se profilent. Les documents fournis par Wikileaks confirment ce que les opinions publiques américaines et internationales savent déjà pour une bonne part. Les responsables politiques et militaires concernés devront un jour rendre compte de leurs agissements. Au nom des droits de l’homme et du respect du droit d’informer, les gouvernements américain et irakien devraient se plier au principe de transparence”, a déclaré Reporters sans frontières.
“Grâce à Wikileaks, de graves violations des droits de l'homme ont été révélées, notamment des cas de tortures et de mauvais traitements sur des détenus. Nous félicitons les médias qui ont traité ces informations sans s’être laissés intimider par l'habituelle rhétorique du Pentagone qui leur enjoignait de ne pas publier des informations, jugées dommageables pour la sécurité nationale”, a ajouté l’organisation.
Cinq jours avant la publication des documents par Wikileaks, le Pentagone avait demandé aux médias de "ne pas faciliter la fuite" de documents classés relatifs à la guerre en Irak. Aux dires du colonel David Laplan, porte-parole de l'armée américaine : "Les médias doivent être mis en garde, ils ne devraient pas aider la fuite de documents classés que l'organisation peu recommandable qu'est Wikileaks compte mettre en ligne sous peu.” Selon le haut-gradé, les médias "offrent un vernis de légitimité à Wikileaks" en relayant les informations contenues sur le site. Reporters sans frontières rappelle que des critiques similaires avaient été émises il y a quelques années contre deux grands quotidiens américains. Le Washington Post avait révélé l'existence des prisons secrètes de la CIA en Europe et le New York Times avait révélé en 2005, soit trois ans après son déclenchement, le programme d'écoutes illégales de millions de citoyens américains et étrangers lancé par l'administration Bush. Ces deux médias concernés avaient alors été accusés d'avoir ”du sang sur les mains”.
Reporters sans frontières salue la collaboration entre Wikileaks et plusieurs médias internationaux, qui se solde par la révélation d'informations d'intérêt général pour les citoyens américains et irakiens et la communauté internationale. Il y a là un exemple réussi de synergie entre la ”presse traditionnelle” et les ”nouveaux médias”, qui permet de mieux décrypter cette masse inédite de documents. Reporters sans frontières prend note avec satisfaction du fait que les noms de civils semblent avoir été retirés desdits documents.
Les autorités américaines et irakiennes doivent désormais revoir leurs pratiques d'accès à l'information publique. ”Nous exigeons l'application à la lettre du décret du ministre de la Justice Eric Holder, émis en 2009, concernant le Freedom of Information Act et rendant exceptionnelle la rétention d'informations (http://www.justice.gov/opa/pr/2009/March/09-ag-253.html). L’administration américaine devrait également se saisir de ce texte pour mener une véritable enquête sur les destructions de vidéos et de preuves à charge par la CIA elle-même, et informer les citoyens sur l'état actuel du programme d'écoutes de l’Agence nationale de sécurité (National Security Agency - NSA), mis en place en 2002”, a poursuivi Reporters sans frontières. Et d’ajouter : “Nous demandons aux autorités irakiennes d’accueillir le travail de Wikileaks comme un moyen de garantir aux médias un meilleur accès à l’information et de construire une démocratie irakienne respectueuse des droits fondamentaux.”
Reporters sans frontières s'inquiète vivement des pressions contre les collaborateurs du site et dénonce tout blocage ou toute tentative de censure de Wikileaks. Le 6 juin 2010, le soldat américain Bradley Manning, basé à Bagdad, a éte arrêté sur l’accusation de “trahison” par l’armée américaine. Le soldat est soupçonné d'avoir transmis à Wikileaks des documents confidentiels, parmi lesquels une vidéo montrant une attaque aérienne de l’US Air Force au cours de laquelle deux employés de l’agence Reuters avaient trouvé la mort, en juillet 2007 à Bagdad. “Nous sommes particulièrement préoccupés par le sort de Bradley Manning. Aucune enquête digne de ce nom n'a été menée sur la tragédie de Bagdad. Le soldat Manning fait ici figure de bouc émissaire. Son sort est aujourd’hui injuste et incertain. Révéler un crime de guerre ne constitue pas en soi un crime”, a conclu l’organisation.
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Updated on
20.01.2016