Conformément à une décision de la plus haute instance judiciaire du pays, Reporters sans frontières demande à l'organisme gouvernemental de régulation des médias d'autoriser la reparution du Daily News et de son supplément dominical, après deux ans de bâillonnement, et de délivrer au plus vite des accréditations à tous ses journalistes.
Reporters sans frontières demande à la Commission des médias et de l'information (MIC) du Zimbabwe de délivrer « au plus vite » une licence de parution à la société éditrice du Daily News et de son supplément dominical The Daily News of Sunday, et d'accréditer sans délai tous ses journalistes.
« Même si nous déplorons les lenteurs de la justice et le refus de reconnaître le caractère anticonstitutionnel de la loi sur l'information, la décision de la Cour suprême est tout de même une victoire, a déclaré Reporters sans frontières. Nous voulons avant tout saluer le courage et la ténacité de l'équipe dirigeante de l'Associated Newspapers of Zimbabwe (ANZ), la société éditrice du Daily News et du Daily News of Sunday. »
« La MIC n'a désormais plus aucune raison de refuser la reparution de ces journaux, après deux ans de bâillonnement. De plus, sauf à être en contradiction avec un arrêt de la Cour suprême du Zimbabwe, la MIC doit délivrer au plus vite des accréditations à tous les journalistes de l'ANZ. Enfin, la police doit restituer tous les équipements du Daily News à ses propriétaires légitimes dans les plus brefs délais », a ajouté l'organisation.
L'interminable bras de fer judiciaire entre le quotidien indépendant The Daily News et le gouvernement du Zimbabwe a connu son dénouement le 14 mars 2005 à Harare, après que la Cour suprême a « annulé » l'interdiction de parution prononcée en septembre 2003 par la MIC, organe de régulation de la presse étroitement contrôlé par le pouvoir. En revanche, la plus haute juridiction du Zimbabwe a maintenu en l'état une loi draconienne sur la presse, dite « Access to Information and Protection of Privacy Act » (AIPPA), dont la constitutionnalité était contestée par la société éditrice du journal et plusieurs organisations internationales de défense de la liberté de la presse.
Interrogé par Reporters sans frontières, le président de l'ANZ, Samuel Sipepa Nkomo, s'est dit « énormément déçu » par la décision de la Cour suprême. « Une justice reportée est une justice niée, a-t-il déclaré. Non seulement nous sommes déçus par le fait que la Cour suprême a rejeté nos arguments, mais nous sommes particulièrement inquiets du fait qu'il lui a fallu près de deux ans pour qu'une décision soit prise. » Il a ajouté toutefois qu'étant donné que la Cour suprême avait reconnu à l'ANZ le droit de publier The Daily News et The Daily News on Sunday, la MIC n'avait « aucune raison » de refuser de lui restituer sa licence et devait accorder une accréditation à ses journalistes. Il a ajouté que la direction de l'ANZ déciderait « dans les deux jours » si elle allait laisser la MIC examiner les demandes d'accréditation initiales ou si elle allait en soumettre de nouvelles. Aux termes de la loi, la MIC dispose de 60 jours pour se prononcer.
L'AIPPA, votée en 2002, oblige les médias et les journalistes à s'enregistrer auprès de la MIC. Les contrevenants s'exposent à des peines de prison. Dans son argumentaire judiciaire, l'ANZ, la société éditrice des deux journaux les plus lus du pays, avait estimé que l'enregistrement obligatoire était une violation de la liberté d'expression garantie par la Constitution du Zimbabwe et la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.
The Daily News et son édition dominicale avaient été interdits en septembre 2003. Une bataille judiciaire s'était alors engagée entre l'ANZ et la MIC qui, de tribunal en tribunal, était remontée jusqu'à la Cour suprême en février 2004. Confrontée à d'énormes difficultés financières et pour ne pas exposer ses journalistes à des arrestations, la direction du Daily News avait décidé de cesser sa parution en attendant l'arrêt de la plus haute juridiction du pays.
Asséchées par une quarantaine de procès, les caisses du quotidien sont aujourd'hui vides. L'ANZ a cessé de payer les salaires au mois de juillet 2004. Sur les 167 employés du Daily News, une vingtaine continuent de se battre aux côtés du directeur de la publication et de ses collaborateurs. Le siège du journal a été abandonné à ses propriétaires, faute de pouvoir payer le loyer. Les bureaux de ce qui fut le plus important journal du pays se résument aujourd'hui à une pièce dans les locaux de l'ANZ.