Reporters sans frontières s'inquiète des règlements de comptes entre partisans et opposants du gouvernement d'Evo Morales, dont la presse, publique comme privée, est la première victime. L'organisation appelle les associations et syndicats de journalistes à éviter une « guerre médiatique » et à se solidariser avec les médias des deux bords en cas d'agression.
Reporters sans frontières est très inquiète de la multiplication, durant ce mois de décembre, des attaques contre la presse liées à l'aggravation de la crise politique qui agite en ce moment le pays. Médias publics et privés deviennent les cibles de règlements de comptes entre partisans du gouvernement et de l'opposition.
“Les journalistes des médias publics ou favorables au président Evo Morales sont clairement en danger dans les quatre départements de Santa Cruz (Est), Beni (Nord), Pando (Nord) et Tarija (Sud), où l'opposition, majoritaire, brandit des menaces de sécession. En contrepartie, les partisans du gouvernement de La Paz ne doivent pas céder à la tentation de représailles contre les médias privés et d'opposition. Nous appelons la presse bolivienne à ne pas entretenir une guerre médiatique qui risque de la dépasser rapidement. Nous appelons également les associations et syndicats de journalistes à se mobiliser pour qu'aucun professionnel, quel que soit le média auquel il appartient, ne subisse de représailles dans l'exercice de son métier. Reporters sans frontières soutiendra cette démarche”, a déclaré l'organisation.
Le 13 décembre 2006, Julio Peñaloza, de la station de radio Erbol, a été injurié et agressé à Santa Cruz, alors qu'il couvrait une manifestation d'opposants réclamant l'autonomie du département. Le journaliste, stigmatisé pour ses critiques contre les vues sécessionnistes du gouvernement local de Santa Cruz, a chuté de sa mobylette sur la place d'armes de la ville. L'intervention de policiers lui a évité un “lynchage de la foule”, a-t-il expliqué à ses collègues de la station. Julio Peñaloza s'est également plaint d'avertissements au téléphone lui intimant de se taire.
Le 7 décembre, toujours à Santa Cruz, des inconnus ont fait irruption dans les locaux de la chaîne de télévision publique Canal 7 pour tenter d'y mettre le feu. Repoussés par les vigiles, les assaillants ont laissé sur place quatorze litres d'essence et des cocktails Molotov, a confié le directeur de la chaîne, Jaime Jaramillo, qui s'est plaint de menaces à répétition par téléphone. D'après le quotidien La Razón, les agresseurs seraient des membres du mouvement Unión Juvenil Cruceñista, opposant virulent au gouvernement de La Paz, qui avait déjà commis un attentat à l'explosif contre Canal 7, le 8 septembre dernier (voir communiqué du 13 septembre).
Dans la nuit du 6 décembre à La Paz (Ouest), une vingtaine de personnes ont fait le siège de deux télévisions privées, Unitel et PAT (Periodistas asociados de Televisión), pour dénoncer leur ligne éditoriale favorable à l'opposition. Des incidents ont été évités de justesse par l'intervention de la police. Le principal actionnaire de PAT n'est autre que Carlos Mesa, ancien président de la République (2003-2005).
Le 27 novembre à Cochabamba (Centre), des militants du Mouvement vers le socialisme (MAS), le parti du président Evo Morales, ont agressé Julio Saavedra, de Radio Betel, Franz Navia, de Radio Centro, et un cameraman de la chaîne Canal 52, les accusant d'être “complices de l'opposition”. Les journalistes ont été légèrement blessés.
Depuis l'élection d'une Assemblée constituante sans majorité absolue, au mois d'août, la crise politique n'a cessé d'enfler entre les partisans du gouvernement, qui réclament des réformes constitutionnelles à la majorité simple, et ceux de l'opposition, qui plaident pour un vote à la majorité des deux tiers.
Un projet de loi sur la lutte anticorruption, qui prévoit d'interdire à la presse de relayer les enquêtes en cours, pourrait encore envenimer la situation. Le débat parlementaire concernant ce projet doit reprendre le 19 décembre.