Crise d'Oaxaca : Reporters sans frontières en appelle au Congrès fédéral et à la Commission interaméricaine des droits de l'homme

Reporters sans frontières rend public le chapitre consacré aux médias du rapport d'enquête de la Commission civile internationale d'observation pour les droits de l'homme (CCIODH) sur la crise d'Oaxaca. L'organisation en appelle au Congrès fédéral et à la Commission interaméricaine des droits de l'homme pour que l'enquête se poursuive.

Mme Rosario Ibarra de Piedra, présidente de la Commission des droits de l'homme du Sénat
M. Gerardo Priego Tapia, président de la Commission spéciale de vigilance contre les agressions envers la presse et les médias à la Chambre des députés
M. Ignacio Álvarez, rapporteur spécial pour la liberté d'expression de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH)
Madame, Messieurs, Du 16 décembre 2006 au 20 janvier 2007, une Commission civile internationale d'observation pour les droits de l'homme (CCIODH) - composée de 41 membres d'organisations issues de six pays (France, Espagne, Italie, Danemark, États-Unis, Nouvelle-Zélande) - s'est réunie pour la cinquième fois, afin d'enquêter sur les violations des droits de l'homme commises lors de la crise sociale et politique dans l'État d'Oaxaca, survenue à partir de mai dernier. Représentée au sein de cette Commission, Reporters sans frontières rend ici public le chapitre de son rapport d'enquête consacré aux médias. L'intégralité du rapport a déjà fait l'objet d'une présentation publique à Mexico, le 3 mars 2007. Le chapitre qui suit traite non seulement des attaques envers la presse au cours du conflit, mais aussi du traitement du conflit par les médias. En un mois, la CCIODH a recueilli plus de quatre cents témoignages, au sein de la société civile et auprès des autorités, à Oaxaca et dans le District fédéral, relatifs au soulèvement de l'Assemblée populaire des peuples de Oaxaca (APPO) contre le gouvernement de l'État dirigé par Ulíses Ruiz Ortiz, et à la très sévère répression du mouvement par ce dernier et les autorités fédérales. Les événements de Oaxaca se sont soldés par un lourd bilan pour la presse. En plus des nombreuses occupations de médias par les acteurs du conflit, une vingtaine de journalistes, locaux et nationaux, ont fait l'objet d'intimidations, d'agressions et d'actes de torture. Deux autres ont été tués au plus fort de la crise, à l'automne 2006. Cameraman indépendant de l'agence Indymedia, Bradley Will, 36 ans, a été mortellement atteint par balles, le 27 octobre 2006, dans la localité de Santa Lucia del Camino. Le crime a d'abord été imputé à cinq fonctionnaires, dont deux ont été arrêtés puis rapidement relâchés, avant que les enquêteurs ne tentent de faire endosser à l'APPO la responsabilité de la mort du journaliste. L'enquête sur la mort de Bradley Will, aujourd'hui au point mort, révèle une fois de plus les carences du système judiciaire et l'impuissance du parquet spécial fédéral en charge des délits contre les journalistes, mis en place le 15 février 2006. L'impunité perdure également depuis l'assassinat, le 8 décembre 2006 à Santiago Juxtlahuaca, de Raúl Marcial Pérez, éditorialiste du quotidien El Gráfico, également connu comme leader communautaire. Il semble que dans cette affaire, tous les pistes n'aient pas été explorées. La crise d'Oaxaca a constitué le paroxysme d'une année particulièrement sombre pour la presse mexicaine, endeuillée par neuf assassinats et deux disparitions. Au vu du rapport publié par la CCIODH, Reporters sans frontières souhaite : -qu'une commission d'enquête du Congrès fédéral poursuive l'effort engagé par la CCIODH en faisant toute la lumière sur les violations des droits de l'homme et les atteintes à la liberté de la presse lors des événements de Oaxaca, -qu'elle fasse également la lumière sur de graves abus de pouvoir des autorités locales envers les médias, non seulement dans l'État d'Oaxaca, mais également dans ceux de Sonora, de Guanajuato et de Puebla (cf. communiqué du 25 janvier 2007), -qu'elle dispose, pour ce faire, de la possibilité d'auditionner les gouverneurs des États concernés, ainsi que les représentants des autorités judiciaires et policières qui en dépendent, -que le parquet spécial en charge des délits contre les journalistes dispose des moyens et de l'indépendance nécessaires pour mener à bien des enquêtes impartiales et garantir la protection des victimes, -qu'en l'absence d'avancées significatives des enquêtes, la Commission interaméricaine des droits de l'homme soit saisie des cas d'assassinats de journalistes au Mexique, Bradley Will étant le seul étranger parmi les 30 tués depuis 2000. En vous remerciant de l'attention que vous porterez à cette demande, je vous prie d'agréer, Madame, Messieurs, l'expression de ma haute considération. Robert Ménard
Secrétaire général
Publié le
Updated on 20.01.2016

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