L'Asie orientale, l'Asie centrale et le Moyen-Orient sont les pires régions du monde pour l'exercice du journalisme, selon le quatrième classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières. Plusieurs démocraties occidentales, dont la France et les Etats-Unis, ont perdu des places au classement en raison d'atteintes sérieuses au secret des sources.
Reporters sans frontières publie son quatrième classement mondial de la liberté de la presse. En queue de peloton, la Corée du Nord (167e et dernière position), l'Erythrée (166e) et le Turkménistan (165e) constituent de véritables trous noirs de l'information. Dans ces pays, la presse privée n'existe pas et la liberté d'expression est nulle. Les journalistes des médias officiels ne font que relayer la propagande de l'Etat. Tout écart est sévèrement réprimé. Un mot de trop, un nom mal orthographié, un commentaire qui s'écarte de la ligne officielle peuvent conduire un journaliste en prison ou attirer sur lui les foudres du pouvoir. Harcèlement, pressions psychologiques, intimidations et surveillance permanente sont alors de mise.
L'Asie orientale [Birmanie (163e), Chine (159e), Viêt-nam (158e), Laos (155e)], l'Asie centrale (Turkménistan (165e), Ouzbékistan (155e), Afghanistan (125e), Kazakhstan (119e)) et le Moyen-Orient (Iran (164e), Irak (157e), Arabie saoudite (154e), Syrie (145e)) sont les régions les plus difficiles au monde pour l'exercice de la liberté de la presse. Dans ces pays, la répression des autorités ou la violence exercée par des groupes armés à l'encontre de la presse empêchent les médias de s'exprimer librement.
L'Irak (157e) a encore dégringolé par rapport à 2004, en raison de l'aggravation de la situation sécuritaire des journalistes. Au moins 24 professionnels des médias ont été tués dans ce pays depuis le début de l'année 2005, faisant de ce conflit le plus meurtrier depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : au total, 72 journalistes et collaborateurs des médias ont été tués depuis le début de la guerre, en mars 2003. En revanche, de plus en plus de pays africains ou latino-américains [le Bénin (25e), la Namibie (25e), El Salvador (28e), le Cap-Vert (29e), l'île Maurice (34e), le Mali (37e), le Costa Rica (41e) ou la Bolivie (45e)] se glissent à des positions très honorables.
Des démocraties occidentales en recul
Quelques démocraties occidentales ont reculé dans le classement 2005. Ainsi, les Etats-Unis (44e) ont perdu plus de vingt places, principalement en raison de l'incarcération de la reporter du New-York Times, Judith Miller, et de mesures judiciaires qui mettent à mal la protection du secret des sources. Le Canada (21e) a également perdu quelques places, là aussi à cause de décisions qui fragilisent le secret des sources et transforment parfois les journalistes en "auxiliaires de justice". La France (30e) est, elle aussi, en recul. Des perquisitions de locaux de médias, des gardes à vue de journalistes et la création de nouveaux délits de presse sont notamment à l'origine de cette nouvelle position.
En tête du classement, on retrouve, comme en 2004, des pays d'Europe du Nord (Danemark, Finlande, Irlande, Islande, Norvège, Pays-Bas) qui garantissent une réelle et durable liberté de la presse. Les dix premiers pays du classement 2005 sont européens. La Nouvelle-Zélande (12e), Trinidad et Tobago (12e), le Bénin (25e) et la Corée du Sud (34e) arrivent en tête pour les autres continents.
Liberté de la presse, développement économique et indépendance
Des Etats qui ont acquis ou retrouvé leur indépendance récemment se montrent très respectueux de la liberté de la presse. Ils coupent court ainsi aux arguments fallacieux invoqués par de nombreux leaders autoritaires selon lesquels il serait nécessaire de patienter plusieurs décennies avant que la démocratie ne puisse s'installer. En effet, neuf Etats qui comptent moins de quinze ans d'existence (ou bien qui ont récupéré leur indépendance depuis moins de quinze ans) se placent dans les soixante premiers du classement : Slovénie (9e), Estonie (11e), Lettonie (16e), Lituanie (21e), Namibie (25e), Bosnie-Herzégovine (33e), Macédoine (43e), Croatie (56e), Timor-Leste (58e).
De même, ce classement tord le cou à la théorie - abondamment utilisée par les dirigeants des pays pauvres et liberticides - selon laquelle le développement économique est un préalable indispensable à la démocratisation et au respect des droits de l'homme. Si la tête du classement est très largement occupée par des Etats riches, plusieurs nations très pauvres (dont le PIB par habitant ne dépassait pas, en 2003, 1 000 dollars) figurent dans les soixante premiers. C'est le cas du Bénin (25e), du Mali (37e), de la Bolivie (45e), du Mozambique (49e), de la Mongolie (53e), du Niger (57e) et du Timor-Leste (58e).
Pour établir ce classement, Reporters sans frontières a demandé à ses organisations partenaires (14 associations de défense de la liberté d'expression dispersées sur les cinq continents), à son réseau de 130 correspondants, à des journalistes, des chercheurs, des juristes ou des militants des droits de l'homme de répondre à 50 questions permettant d'évaluer la situation de la liberté de la presse dans un pays. 167 nations y apparaissent, les autres sont absentes, par manque d'informations.