Continuons à soutenir les vrais blogueurs syriens, en danger pour nous informer

Reporters sans frontières condamne l’irresponsabilité dont a fait preuve un étudiant américain en se faisant passer pour une blogueuse syrienne. L’organisation rappelle que cette affaire ne doit en rien décrédibiliser le travail des blogueurs et militants syriens qui, malgré la répression brutale imposée par le régime de Bachar Al-Assad, font tout leur possible pour continuer d’informer leurs concitoyens et le reste du monde. Dans un post publié le 12 juin dernier, Tom MacMaster, un étudiant américain basé en Ecosse, a reconnu être le seul auteur du blog “A Gay Girl in Damascus” et s’être fait passer pour Amina Abdallah, une jeune femme syrienne. Selon lui, malgré le caractère fictionnel de la narration, “les faits qui relatent la situation sur le terrain sont vrais” et il a “l’impression d’avoir créé une voix importante pour des questions qui me tiennent à coeur”. Il a tout de même présenté, le lendemain, des excuses. Lancé en février 2011, “A Gay Girl in Damascus”, blog rédigé uniquement en anglais, a rapidement acquis une certaine notoriété. Le 6 juin dernier, une personne se présentant comme une cousine d’”Amina” a publié, sur ce même blog, un billet informant les lecteurs de l’enlèvement de la blogueuse et de l’inquiétude de ses parents. La nouvelle a alors fait le tour de la Toile et de nombreux militants, journalistes et net-citoyens, ont commencé à rechercher la jeune femme, tentant d’obtenir des informations relatives à son enlèvement, au risque de mettre leur propre sécurité en danger. Un groupe de soutien Facebook s’est créé, rassemblant près de 15 000 personnes. Reporters sans frontières s’est également fait l’écho des demandes de libération de la blogueuse. Des doutes sur l’identité de l’auteur du blog ont émergé lorsqu’une internaute a signalé que la photo présentée comme celle d’Amina avait été volée sur son compte privé Facebook. Le site Electronic Intifada a mené l’enquête, parvenant à remonter jusqu’à Tom MacMaster qui a, dans un premier temps, nié toute implication. Après plusieurs jours de silence et une polémique grandissante, ce dernier s’est finalement expliqué sur son blog. L’affaire Amina est désormais instrumentalisée par les autorités syriennes et leurs partisans afin de décrédibiliser l’information diffusée sur la Toile par les opposants syriens sur le mouvement de protestation et sa répression. Pourtant, en Syrie comme dans de nombreux pays, l’anonymat est une garantie de sécurité. Au Viêt-nam, en Birmanie, en Iran, des blogueurs décident de s’exprimer en ligne sous une fausse identité, conscients des dangers réels d’une transparence sur la Toile. A ce jour, 125 net-citoyens sont emprisonnés dans le monde pour leurs activités d’information en ligne. Depuis son lancement en février dernier, les médias du monde entier ont repris des informations diffusées sur ce blog. Cette affaire illustre parfaitement le défi auquel sont confrontés les journalistes lorsqu’il s’agit de vérifier des informations fournies par des médias sociaux ou des blogueurs, dont certains s’improvisent parfois journalistes citoyens. Cependant, lorsque la presse est empêchée de faire son travail, ce sont souvent ces mêmes blogueurs et net-citoyens qui sont les seuls à faire sortir l’information. Ainsi, Astrubal du blog Nawaat ou Lina Ben Mhenni (A Tunisian Girl) au cours du soulèvement tunisien.
Publié le
Updated on 20.01.2016