Condamnation inique d’un journaliste tchadien à deux ans de prison ferme
Reporters sans frontières (RSF) critique la condamnation à deux ans de prison ferme du directeur de la radio Nada FM basée au sud du Tchad. Une condamnation qui va à l’encontre de la loi tchadienne sur la liberté de la presse.
Le 20 juin 2017, Sylver Beindé Bessandé, directeur de la radio communautaire Nada FM à Moundou dans la région du Logone Occidental, et correspondant de la radio de N’Djaména Fm Liberté, a été condamné à deux ans de prison ferme et 100 000 francs CFA (152 euros) d’amende pour complicité d’outrage à magistrat et atteinte à l’autorité judiciaire. Le journaliste est actuellement détenu à la prison de Moundou.
Sylver Beindé Bessandé était poursuivi depuis le 9 juin pour avoir simplement diffusé sur les ondes de sa radio la réaction virulente à la sortie du tribunal d’un conseiller municipal condamné à six mois de prison avec sursis dans une affaire qui l’opposait au directeur administratif et technique de la mairie de Moundou. Le conseiller municipal avait accusé les magistrats de “tripatouillage”.
Contacté par RSF, l’avocat du directeur de la radio, Maître Boniface Mouandilmadji assure que “la procédure a été truffé d’irrégularités et les droits de la défense ont été bafoués”. Il explique que le journaliste a été jugé en vertu du Code pénal et non de la loi n°17 de 2010 sur la presse, alors que celle-ci devait prévaloir. Or, la loi sur la presse ne prévoit pas de peines privatives de liberté. De plus, il a été impossible de savoir qui a déposé plainte contre le journaliste, aucun document de ce type n’étant disponible dans le dossier, enfin, les faits reprochés au journaliste ont été requalifiés en dernière minute pour inclure l’atteinte à l’autorité judiciaire, ne laissant pas le temps à la défense d’organiser sa réponse. L’avocat a fait appel du jugement.
“Cette condamnation à de la prison ferme pour un journaliste viole la loi tchadienne et pose des questions sur l’indépendance de la justice, déclare RSF. Nous appelons à l’annulation du verdict contre le journaliste et à sa libération immédiate. Tous les instruments juridique et de régulation existent pour garantir la liberté de l’information au Tchad. Ile ne demandent qu’à être utilisés à bon escient.”
Les médias de Moundou dans le collimateur des autorités
Ce n’est pas la première fois que Nada FM, fait l’objet de menaces et d’intimidations de la part des autorités locales pour sa ligne critique.
Le 23 janvier 2017, Sylver Beindé Bessandé avait ainsi déjà été convoqué par la police avec deux autres responsables de radios privées : Kar-Urba et Bonne Nouvelle. Au commissariat, les journalistes se sont retrouvés face aux chefs des différents services de sécurité -police, gendarmerie, sécurité du territoire et services secrets. Ces derniers leur ont reproché d’adopter une ligne éditoriale trop critique envers les méthodes des services de sécurité et de la gestion des affaires locales et ont menacé de fermer leurs médias. Une intimidation critiquée à l’époque par le Haut Conseil de la Communication qui a seul compétence à réguler les médias , ainsi que par le gouverneur de la région du Logone Occidental.
L’année dernière, en avril 2016, le Haut Conseil de la Communication (HCC), organe de régulation des médias au Tchad, avait par ailleurs mis en demeure Nada FM pour avoir simplement diffusé les propos d’un député de l’opposition ( le Parti Convention Tchadienne pour la Paix et le Développement - CTPD).
Le Tchad occupe la 121ème place au Classement 2017 établi par RSF.