Compte rendu des audiences du procès d'Abderrahim Ariri et de Mostapha Hurmatallah

Le procès des journalistes de l'hebdomadaire Al Watan Al An s'est ouvert le 26 juillet 2007 auprès du tribunal de première instance de Casablanca. Reporters sans frontières a désigné un observateur indépendant pour suivre ce procès.

Un collectif de 90 avocats s'est formé pour assurer la défense d'Abderrahim Ariri, directeur de publication d'Al Watan Al An, et du journaliste Mostapha Hurmatallah, poursuivis pour “recel de documents obtenus à l'aide d'un crime”, en vertu de l'article 571 du code pénal. Me Hammadi Manni observe ce procès, auprès du tribunal de première instance de Casablanca, au nom de Reporters sans frontières. Les deux journalistes ont été arrêtés le 17 juillet 2007, à Casablanca, suite à la publication d'un dossier intitulé "Les rapports secrets derrière l'état d'alerte au Maroc", dont l'un des articles s'appuyait sur une note émanant des services de renseignements. Parallèlement, huit officiers de l'armée Royale ont été déférés devant la justice militaire pour "crime relatif à la fuite de certains documents et secrets concernant la défense nationale". Après avoir été maintenus en garde à vue pendant huit jours, Abderrahim Ariri a été placé en liberté provisoire tandis que Mostapha Hurmatallah a été écroué à la prison d'Okacha (Casablanca). Compte-rendu de l'audience du 7 août 2007 : mise en délibéré du jugement au 15 août prochain Le tribunal de première instance de Casablanca a rejeté l'exception de nullité soulevée par la défense, considérant ainsi que la durée de la garde à vue des deux journalistes avait été conforme au code de procédure pénale. La cour a considéré que la police avait eu la possibilité de prolonger la détention d'Abderrahim Ariri et de Mostapha Hurmatallah vu que l'enquête préliminaire concernait des faits jugés préjudiciables à la sécurité de l'État. Même s'il s'est avéré par la suite que l'objet des poursuites judiciaires n'était qu'un délit de droit commun. Les deux prévenus ont été entendus par les juges. Abderrahim Ariri et Mostapha Hurmatallah ont reconnu avoir publié les documents présentés à la cour, mais ont rejeté l'accusation de "recel". Ils ont par ailleurs affirmé qu'ils ignoraient que ces documents avaient été obtenus "à l'aide d'un crime". Le ministère public les a interrogés sur leurs liens présumés avec les militaires qui ont fourni les documents publiés. Me Abderrahim Jamaï, l'un des avocats de la défense, est intervenu pour demander au tribunal la lecture des documents publiés. Le tribunal a rejeté sa requête, rappelant que les débats avaient pour objet le "recel" et non la publication de ces documents. Durant son réquisitoire, le ministère public a déclaré que l'infraction prévue dans l'article 571 du code pénal est autonome, existant indépendamment de l'infraction à l'aide de laquelle les documents avaient été soustraits. Le procureur a ajouté que les documents publiés tombaient également sous le coup de l'article 187 du code pénal qui définit les informations réputées confidentielles. Selon le ministère public, en publiant ces documents, les deux journalistes d'Al Watan Al An ont révélé les mesures prises par l'Etat pour lutter contre le terrorisme. Le ministère public a conclu que les faits reprochés aux deux journalistes sont prouvés et qu'ils représentent une certaine gravité. Le procureur a demandé au tribunal de condamner Abderrahim Ariri et Mostapha Hurmatallah pour "recel de documents obtenus à l'aide d'un crime" en vertu de l'article 571 du code pénal et de leur appliquer une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction commise. Deux avocats de la défense, Me Abderrahim Jamaï et Me Khalid Sefiani ont pris la parole pour rejeter toutes les allégations du ministère public et répliquer aux points soulevés par l'accusation. Les deux journalistes se sont également exprimés pour affirmer leur confiance dans la justice pour les disculper. Le tribunal a décidé de placer l'affaire en délibéré pour être jugée lors de l'audience du 15 août 2007. Il a rejeté pour la quatrième fois la demande de mise en liberté provisoire du journaliste Mostapha Hurmatallah. Par ailleurs, les huit militaires marocains soupçonnés d'avoir transmis des documents secrets aux journalistes d'Al Watan Al An ont été condamnés, le 8 août 2007, à des peines allant de six mois à cinq ans de prison. Compte-rendu de l'audience du 2 août 2007 : nouveau refus de mise en liberté conditionnelle de Mostapha Hurmatallah En application de la décision du tribunal du 31 juillet 2007, le ministère public a remis à la cour les procès verbaux de perquisition du domicile et du véhicule d'Abderrahim Ariri, du domicile et d'une propriété de Mostapha Hurmatallah et les procès verbaux d'arrestation des deux hommes. Lors de cette troisième audience, les avocats de la défense ont de nouveau souligné les nombreuses irrégularités qui ont entaché la garde à vue des deux journalistes, retenus à la brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) pendant huit jours. Selon Me Khalid Sefiani, une garde à vue aussi longue n'est prévue dans le code de procédure pénale que dans les cas d'”atteinte à la sécurité extérieure de l'Etat” ou de “crime de terrorisme”. Dans un réquisitoire adressé le 17 juillet 2007 à la BNPJ, le ministère public avait demandé l'ouverture d'une enquête sur “la publication par l'hebdomadaire Al Watan Al An de documents confidentiels de nature à porter atteinte à l'ordre public”. Les faits reprochés aux journalistes constituaient donc un délit et non un crime d'atteinte à la sécurité de l'Etat. C'est ainsi qu'Abderrahim Ariri et Mostapha Hurmatallah ont été renvoyés devant le tribunal de première instance de Casablanca sur la base de l'article 571 du code pénal qui prévoit et réprime le délit de recel (“Quiconque, sciemment, recèle en tout ou en partie des choses soustraites, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit, est puni de l'emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 120 à 2 000 dirhams, à moins que le fait ne soit punissable d'une peine criminelle comme constituant un acte de complicité de crime prévu par l'article 129”). Dans ce cas, la garde à vue ne doit pas excéder 48 heures. Par ailleurs, le tribunal de première instance de Casablanca a rejeté une nouvelle fois la demande de mise en liberté conditionnelle de Mostapha Hurmatallah. Enfin, les avocats des huits militaires marocains, déférés devant le tribunal militaire de Rabat, et soupçonnés d'avoir transmis des documents secrets aux journalistes d'Al Watan Al An, ont réclamé la convocation, comme témoins, d'Abderrahim Ariri et de Mostapha Hurmatallah. “Il est nécessaire de les convoquer, car c'est sur la base de leurs déclarations à la police que mon client a été arrêté”, a déclaré Me Mourad Bekkouri, avocat de l'un des militaires. Le président de la cour a estimé que “ce sont les interrogatoires des huits prévenus au tribunal qui permettront de juger de l'opportunité de convoquer ou non les deux journalistes”. Compte-rendu de l'audience du 31 juillet 2007 : refus de mise en liberté conditionnelle de Mostapha Hurmatallah À l'ouverture de la deuxième audience du procès de l'hebdomadaire Al Watan Al An, les avocats de la défense ont demandé au tribunal d'ordonner au ministère public de produire l'ensemble des documents saisis lors des perquisitions effectuées à la rédaction et au domicile des deux journalistes. Ceci dans le but de permettre à la défense de vérifier leur validité. Dans sa plaidoirie, Me Abderrahim Jamaï a interpellé le tribunal et le ministère public, s'étonnant que des poursuites judiciaires aient pu être lancées contre les deux hommes alors même que les documents litigieux font défaut au dossier. Mais selon le ministère public, seuls les documents publiés dans l'édition du 14 juillet 2007 d'Al Watan Al An concernent le procès en cours. Me Sefiani, un autre avocat de la défense, a, de son côté, souligné la contradiction qui réside au coeur d'un procès où le parquet se prévaut de documents publiés dans un journal, alors même que les deux prévenus ne sont pas poursuivis en vertu du code de la presse. Le ministère public a accepté de produire une copie des procès-verbaux des perquisitions. Mais en ce qui concerne les documents saisis, seule une copie des articles incriminés sera ajoutée au dossier. Les avocats de la défense ont introduit une nouvelle demande de mise en liberté provisoire du journaliste Mostapah Hormatallah, qui a achevé sa deuxième semaine en détention. Après délibération, le tribunal a ordonné au ministère public de fournir les procès-verbaux requis par la défense et remis à une date ultérieure toute décision concernant l'ensemble des documents saisis pendant les perquisitions. Et les juges ont décidé de maintenir Mostapha Hurmatallah en détention préventive à la demande du parquet, qui a évoqué la gravité des faits qui sont reprochés au journaliste. Compte-rendu de l'audience du 26 juillet 2007 : les avocats de la défense plaident le “vice de forme” Le procès des deux journalistes de l'hebdomadaire arabophone Al Watan Al An s'est ouvert le 26 juillet 2007. Lors de cette première audience, le tribunal de première instance de Casablanca a décidé de prolonger l'incarcération de Mostapha Hurmatallah, détenu à la prison d'Okacha. Le directeur du journal, Abderrahim Ariri, comparaissait librement. Les avocats de la défense ont demandé l'annulation de toute la procédure pour “vice de forme”. Me Abderrahim Jamaï a dénoncé la violation du code de procédure pénale. "La garde à vue a été prolongée deux fois 96 heures alors que pour un délit, comme c'est le cas aujourd'hui, il ne peut y avoir qu'une garde à vue de deux fois 48 heures", a affirmé l'avocat des deux journalistes.
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Updated on 20.01.2016