Depuis le 23 novembre,
Souleymane Salha, directeur de publication de l'hebdomadaire nigérien
Le Courrier, est en garde à vue à la police judiciaire de Niamey. Son arrestation serait liée à la publication d'un article dans lequel il épinglait le directeur adjoint de la police après l’arrestation de l'opposant Hama Amadou à son retour au pays le 14 novembre 2015.
“
Reporters sans frontières dénonce cette arrestation qui représente une totale violation de la loi nigérienne sur la liberté de la presse, déclare Cléa Kahn-Sriber responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières.
Depuis 2011 et la signature de la Déclaration de la Montagne de la Table, les délits de presse sont dépénalisés dans le pays. Or, on assiste aujourd'hui à la cinquième arrestation de journalistes en l'espace de dix jours. Nous demandons aux autorités nigériennes de relâcher immédiatement le journaliste incarcéré et de cesser d'user de ces détentions préventives pour intimider les professionnels des médias. Si elles s’estiment diffamées, il existe d’autres recours que l’emprisonnement.”
Le 14 novembre, quatre journalistes ont tout simplement été empêchés de faire leur travail. Lors du retour au pays de l'opposant Hama Amadou, arrêté dès son arrivée à l’aéroport, les journalistes, venus couvrir l’évènement, ont été interpellés alors qu'ils filmaient les jets de pierre et de gaz lacrymogènes entre forces de l'ordre et partisans d'Hama Amadou, venus accueillir leur leader.
Alou Aboubacar et son cameraman
Abdoulaye Souley de
TV Bonferey, ainsi que
Sidiku Harouna et son cameraman
Luc Ogoa de
TV Niger 24 ont ainsi été transférés dans les locaux de la police judiciaire et retenus une journée entière. Leur matériel de reportage et leurs téléphones ont été confisqués.
Un mois plus tôt, le 19 octobre, cinq confrères étaient également arrêtés alors qu'ils couvraient une manifestation d'étudiants. La police leur a confisqué leur matériel, a examiné les contenus de leurs téléphones ainsi que de leurs caméras et a exigé qu'ils révèlent comment ils avaient été informés de la tenue de cette manifestation.
L'équipe de
Radio Bonferey –les journalistes
Haidara Abdoulaye,
Souleymane Ousmane et les caméramans
Omar Boukari et
Abdoulaziz Djibrilla , ainsi que le cameraman de
TV Ténéré,
Djibril Ousseini, ont été relâché le jour même mais leur matériel ne leur a été restitué que le lendemain.
Selon Boubacar Diallo, ancien Président de la maison de la presse ce qui est le plus inquiétant lors de toutes ces arrestations c'est qu' "
à chaque fois la police veut absolument connaître la source du journaliste, ce qui viole la charte du journaliste professionnel du Niger".
Le Niger est souvent cité en exemple pour avoir été l'un des premiers pays à signer en 2011 la Déclaration de la Montagne de la Table qui dépénalise les délits de presse. En janvier 2015, dans les bureaux parisiens de l'organisation, le ministre de la Communication, Yahouza Sadissou, affirmait au secrétaire général de Reporters sans frontières que "
La presse est libre au Niger”. Et d’ajouter : “
Nous respectons la loi".
Malheureusement, force est de constater que, depuis près d'une année, le pays s'est illustré par le non-respect de ses engagements dans ce domaine. En janvier 2015 déjà, plusieurs médias avaient fait l'objet de violences policières pour avoir couvert les violentes manifestations qui avaient suivi les attentats à Charlie Hebdo à Paris. Depuis l'arrestation de l'opposant Hama Amadou à son retour d'exil, le climat est encore plus tendu. Les réseaux sociaux tels que Facebook et Whatsapp ainsi que l'envoi de SMS ont été bloqués pendant près de 72 heures.
Déçus et excédés, une vingtaine d'organes de presse nigériens appellent au boycott de la Journée nationale de la liberté de la presse prévue le 30 novembre, date anniversaire de la signature de la déclaration.
Le Niger occupe en 2015 la 47ème place sur 180 pays dans le
Classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.